Commençons par quelques explications sur la formation du prix de l'or (et ce qu'on appelle techniquement la "base" de l'or).
Sur tout marché mature, co-existent plusieurs prix :
a- le prix auquel on veut vendre pour livraison immédiate
b- le prix auquel on veut acheter pour livraison immédiate
c- le prix auquel on veut vendre pour livraison future
d- le prix auquel on veut acheter pour livraison future
C’est la même chose pour l’or ou pour un kilo de tomates que vous achetez le dimanche sur le marché : dans ce cas vous avez le plus souvent une livraison immédiate. Mais vous pouvez acheter chez votre commerçant préféré 40kg de tomates pour livraison la semaine prochaine, afin que vous puissiez cuisiner votre coulis. Le prix ne sera pas forcément celui affiché sur sa pancarte du jour.
Il est complètement erroné d’imaginer que le « prix du marché » c’est quand la transaction se fait au prix pour lequel a=b. Ce prix n’existe pas. Au mieux c’est une moyenne arithmétique qui ne correspond à aucune transaction réelle. A B C D sont les seuls vrais prix (c'est à dire exacts). Tous les autres ne sont que des approximations. Construire des raisonnements sur des approximations donne des resultats… approximatifs sinon faux.
Ces prix évoluent sans cesse (on le voie par exemple au marché à la criée).
La différence entre un prix de vente et un prix d’achat est notable quand il existe un intermédiaire qui favorise la transaction (une agence immobiliere par exemple).
Le prix pour livraison immédiate est appelé prix « spot ». Notez qu’il y en a bien 2, bien que par habitude on ne s’interesse qu’au prix spot pour acheter.
Il est important de comprendre que ce prix ne tombe pas du ciel. Un niveau de prix spot se forme toujours par anticipation d’une situation future. Il existe des raisons tres profondes (hors du champ économique) qui expliquent cela. C’est pourquoi un marché mature se structure autour d’un marché des contrats à terme (contrats « futures » en anglais), c’est-à-dire les prix c et d.
La différence c - b est appelée la "Base" en terme technique dans l’analyse des marchés.
La valeur absolue de cette Base est en résumé un reflet statistique de l’arbitrage qui est fait entre conserver le bien et le vendre.
Pour le marché de l’or physique, cette valeur est le reflet statistique pour tous les acteurs du marché sur le niveau de risque qu’ils perçoivent à échanger leur or contre du papier (ou une écriture informatique).
Contrairement à ce que les banques ont essayé de faire croire à l’humanité entière depuis un siècle, l’or n’est pas une matière comme les autres, et ne le sera jamais. Cela tient à sa nature physico-chimique même. Et c’est pour cette raison qu’il a été sélectionné par l’homme au cours des siècles pour être le meilleur véhicule de la monnaie. C’est proprement indépassable sur notre planète.
Le fait troublant, et que n’explique strictement aucun économiste à part ceux de la Nouvelle Ecole Autrichienne, est que la valeur de cette Base de l’or diminue régulièrement depuis la création du marché des futures de l’or après le défaut des US en 1971.
Le premier à avoir attiré l’attention des banquiers et banquiers centraux sur la Base de l’or est le Pr FEKETE. « Curieusement » ce n’est pas un économiste au départ, c’est un mathématicien.
Cela représente l’érosion de la confiance dans le système monétaire en place. En effet la valeur de cette Base est utilisée dans l’arbitrage du leasing de l'or. Ce leasing a été mis en place justement pour contrôler le prix de l’or. C’est l’érosion de ce contrôle que nous pouvons suivre par l’intermédiaire de la Base de l’or.
Oui, mais encore faut-il pouvoir le faire, c’est-à-dire avoir accès aux prix A B C D (bid et ask). Curieusement, c’est jusqu’à ce jour impossible sans payer un abonnement à un flux de trading. Nous sommes gavés de soi-disant informations sur les prix qui ne sont pas les informations sur les vrais prix. Comment alors permettre aux gens de comprendre ce que se passe vraiment ?
Vous trouverez sur
cette page la liste patiemment constituée des seules sources d’infos gratuites qui vous donnent des prix bid et ask pour l’or, mais pas en temps réel ou sans historique, en particulier pour les prix des contrats « futures ».
Il faut donc chercher un substitut à ces contrats « futures ». Nous avons choisi les taux des contrats "gold forward" (GOFO). Ils présentent un certain nombre de défauts par rapport aux contrats futures, qui vont entraîner des approximations dans les résultats de nos analyses. C’est un filtre flou si vous voulez. Mais je n’ai pas mieux pour l’instant et je n’aime pas rester les yeux fermés.
Il faut savoir de plus, et c’est manifeste aux yeux de tous depuis avril, que le cours de l’or n’est pas seulement contrôlé, il est tenu en laisse. Dès qu’il s’éloigne trop, il est rattrapé. Ces manipulations du marché le plus important au monde (c’est la base de tout le système) sont légales (dans la loi US), il faut le savoir. Il existe une loi votée aux US qui autorise le fond ESF du Trésor à intervenir sur tous les marchés, par l’intermédiaire des bullions banks ou des primary dealers de la FED par exemple, pour effectuer ces transactions. La CFTC (le régulateur du marché des dérivés) ne peut les poursuivre pour qu’ils soient condamnés, dans le cas où ces manipulations sont rigoureusement établies.
Les mêmes institutions ont également trouvé depuis quelques années des moyens pour biaiser un peu la mesure de la Base de l’or, y compris les prix futures et taux GOFO.
Mais l’affaire ne se termine pas là. C’est même une défaite écrasante pour les défenseurs du système actuel.
D’une part parce que nous savons discerner les grandes masses dans le brouillard entretenu, et qu’en ce moment seules les grandes masses comptent ; d’autre part parce que ce contrôle a un défaut mortel : un prix artificiellement bas est un attrait irrésistible pour l’achat
par les autres joueurs.
Le Système jusqu'ici dominant n’aura eu que le choix de sa mort : soit par une poussée de fièvre et emballement, soit par une saignée continue.
Un moyen simple d’avancer est d’étudier la convergence d’une série de données « supérieure » : au lieu des prix "futures" à 1 mois, prenons les taux GOFO à 12 mois. Nous observons qu’ils sont par nature bien moins sujets aux fluctuations erratiques. Nous observons aussi une tendance résolue depuis 2 ans à l’intérieur d’un canal baissier, malgré toutes les secousses historiques qu’a connu le marché intraday depuis avril. Si vous connaissez le tunnel de Friggit, vous pouvez l’appeler le « canal de Paul »
Ce canal croise l’axe des abscisses à l'ordonnée zéro approximativement entre le 21 septembre 2013 et fin mars 2014 [MAJ 19/12: ces dates sont remises à jour dans l'article publié
sur Conscience Sociale].
Retenons qu’il s’agit d’un majorant dans notre analyse.
Les valeurs négatives des taux GOFO correspondent à ce qu’on appelle un marché en déport (« backwardation »). En simplifié ça implique qu’il devient trop risqué de vendre son or et qu’il est plus rentable de le conserver stocké (dans sa poche) quel que soit le niveau du prix offert par les acheteurs.
Et cela implique aussi qu’il n’existe alors plus aucun marché qui permette d’échanger des bons du Trésor US contre de l’or physique. Même pour une quantité infinie il n’y a plus d’échange contre de l’or.
Ce phénomène sur le marché de l’or aura des conséquences géopolitiques et monétaires immédiates :
- d’une part le cours mondial de l’or, qui est déjà en train de se disloquer (les primes payées en Asie n’ont rien à voir avec celles en Occident), va brutalement se séparer : il sera possible de continuer à échanger de l’or en Asie, au prix asiatique et pour le panier de devises qui seront acceptées (pas le dollar US) ; L’Europe n’aura aucun autre choix que de suivre les BRICS.
- d’autre part le prix de la dette US en or devient brusquement indéfini. Ni zéro ni infini puisqu’il n’y a plus de transactions. Il y aura donc des transactions orchestrées, officielles et officiellement artificielles, qui fixeront un « prix de l’or » légal (donc un prix du dollar) valable uniquement aux US. Le marché des devises va en prendre un sacré coup pour les détenteurs étrangers d’US$ et UST qui restent.
- Le commerce international sera réglé au moyen des lignes de swaps bilatérales mises en place entre banques centrales depuis 2009 (notamment la semaine dernière entre l’ECB et la BoC)
- Pour la situation intérieure aux US, voir
ici.
Et ce n’est que le début. Reste à reconstruire dans ces conditions fragiles un système monétaire international résilient. C’est là qu’interviennent à nouveau la géopolitique et les subtilités du système-or de FEKETE.