Dollar, la fuite en avantPar Myret Zaki - 18 Septembre 2015 Alors que l’Europe se débat dans la crise des migrants, qui est en réalité une crise mondiale, et non celle de l’Europe, l’histoire derrière l’histoire est celle de la croissance anémique du monde occidental. La partie immergée de l’iceberg révèle des faiblesses économiques profondes, qui suscitent des guerres et de violents remous à la surface.
Sept ans après la crise de 2008, l’économie américaine est dans l’impasse. La Réserve fédérale (Fed) ne peut ni relever les taux, ni les laisser à zéro. Elle s’enlise, alors que ses remèdes de 2009 ont toujours porté en eux la prochaine crise. Depuis 2009, la création de 4500 milliards de nouveaux dollars par la Fed pour acheter des titres américains et sauver le système financier mène à une voie sans issue.
La croissance n’est pas au rendez-vous. Alors qu’en 1950, une maison neuve aux Etats-Unis coûtait le double du salaire annuel d’un Américain moyen, elle coûte aujourd’hui le décuple. Comment s’étonner que le taux de propriété soit au plus bas depuis 1967? Et malgré les 5,1% de taux de chômage annoncés en août, le taux de participation de la population active est tombé à son plus bas niveau depuis 1976. D’autres chiffres (nombre d’embauches, commandes d’usines) sont indicatifs de faiblesse économique.
Exactement comme en 2002-2007, les liquidités qui ont soulevé l’immobilier et les marchés financiers ont créé une forte inflation, qu’il faut observer dans les prix des actifs. L’inflation boursière s’est traduite par des hausses phénoménales des prix des actions, possibles uniquement grâce au taux zéro. Et comme le dollar baissait en même temps, une action Boeing a gagné 253% en dollars depuis 2009, mais seulement 158% en francs suisses.
En 15 ans, le dollar a chuté de 1,75 franc à 97 centimes. Que réserve le long terme pour le billet vert? Une dévaluation programmée. Depuis 2015, les banques centrales du monde ont commencé à réduire leurs réserves de change. En dix ans, elles avaient accumulé 12 000 milliards de dollars, essentiellement en bons du Trésor. Or à fin mars 2015, ces banques centrales, parmi lesquelles la Chine, le Japon ou l’Arabie saoudite, auraient liquidé 400 milliards de réserves en huit mois, selon Bloomberg, ou même 60 à 100 milliards par mois, selon les analystes de Citi. La raison? Elles n’ont plus besoin d’accumuler autant de dollars à la suite de la chute des prix du pétrole et des autres matières premières.
Faudra-t-il encore 10.000 milliards? Conséquence, une hausse des taux d’intérêt américains à dix ans, provoquée par les banques centrales émergentes, semble inévitable. Or l’économie, la bourse et l’immobilier américains supporteraient mal un resserrement monétaire. Si la Fed voulait contrer cela en baissant elle-même les taux longs, elle devrait se remettre à acheter de la dette sur le marché («quantitative easing»). Or pour compliquer le tout, sa présidente Janet Yellen voulait justement réduire la taille du bilan de la Fed, de 4500 à 1000 milliards (plus proche de sa taille historique). Cela impliquerait de trouver des acheteurs pour 3500 milliards de bons du Trésor, au moment où les autres instituts sont vendeurs!...
Ces prochains mois, si ces risques sont envisagés par les marchés, les taux à dix ans risquent de monter nettement. Quelles options reste-il à la Fed? Celle de renoncer à tous ses plans: ne pas relever ses taux courts, ne pas alléger son bilan. Mais s’engager encore plus loin dans la création de liquidités, avec un nouveau programme d’assouplissement (le quatrième depuis 2009), qui porterait son bilan à…. 10 000 milliards?
Source