Sapir : derrière la crise grecque, l'explosion de l'euro ?
Jacques Sapir - Tribune | Lundi 30 Mai 2011 à 12:01 | Lu 2631 fois
(Marianne2)
Le préambule
Citer:
(...)
La publication de cette analyse ne vaut pas forcément soutien aux thèses de son auteur. Mais la façon dont la question européenne et celle des politiques économiques induites par l'euro ne saurait être évacuée du débat public. Elle comporte une dimension technique qu'il faut comprendre; Nous espérons que la publication du texte de Sapir y contribuera et nous ouvrirons bien sûr nos colonnes à des économistes qui considèrent que le maintien de l'euro est la seule solution raisonnable. toute la question est de savoir s'ils consentiront enfin à sortir de leur discrétion.
Philippe Cohen
L'intervention de Jacques Sapir
Citer:
(...)
Si le taux d’intérêt moyen sur la dette publique était ramené à 3,5% par an, la charge des intérêts représenterait 5,15% à la fin de 2011. La Grèce va avoir un taux de croissance du PIB sur l’année 2011 de -1,5% en termes réels. Si l’on estime l’inflation à 3,5%, la croissance nominale (et non réelle) devrait être de 2%. Le budget devrait donc dégager un excédent primaire égal à la charge des intérêts (5,15%) diminuée de la croissance nominale (2%) simplement pour stabiliser le poids de la dette en pourcentage du PIB, soit 3,15%. Compte tenu du déficit actuel, cela impliquerait, au minimum, un choc d’ajustement budgétaire de 12% à 13%.
Cependant, certaines des hypothèses de ce calcul sont d’ores et déjà trop optimistes. Le nouveau plan d’austérité va faire chuter la croissance de manière importante, et la réduction du taux d’intérêt à 3,5% n’est pas acquise. On peut donc tabler sur un choc de 15%. Par ailleurs, si l’inflation – en augmentant le PIB nominal – peut soulager la pression de la dette, elle dégrade encore plus la compétitivité de la Grèce.
(...)
C'est un extrait de cet article de Marianne que j'ai reproduit ici, en mettant en gras un passage qui m'a interpellé.
L'inflation grecque n'est PAS une inflation des salaires, puisque ceux-ci diminuent à vue d'oeil (ceux des fonctionnaires et des retraités ont été diminués de 20% l'an dernier, en attendant une diminution supplémentaire de 15% cette année ! ceux du privé ne doivent pas être beaucoup plus beaux à voir, avec rien que l'an passé 20% de tous les commerces qui avaient fermé boutique à la mi-2010, je suppose que l'hécatombe a du continuer...), c'est une inflation des prix à la consommation, alimentée par la hausse drastique des taxes indirectes d'une part, et la flambée du prix des matières premières d'autre part.
En termes de compétitivité, la Grèce serait donc dans une situation plutôt favorable compte tenu du régime drastique qui lui est imposé... Si elle disposait d'une industrie. Seulement voilà, elle n'a pas d'industrie. Donc elle ne peut rien attendre de ce point de vue là. Le tourisme pourrait éventuellement en bénéficier, mais entre le prix du pétrole qui flambe (à mon avis, on peut facilement compter sur une augmentation du prix du billet d'avion de 100 € par personne) et les images des manifestations monstres (ou plus simplement l'image déplorable de pays de branleurs et d'assistés que la presse et notamment la presse teutonne donne complaisamment de la Grèce à longueur de journaux), sans compter les commerces qui ferment boutique les uns après les autres, j'ai de gros doutes. D'ailleurs, pour parachever le tout, les difficultés économiques des autres pays européens ne vont pas encourager le tourisme quand les gens ont de plus en plus comme priorité d'assurer le quotidien en fin de mois.
Le souci, ensuite, c'est que la mise en oeuvre l'an passé du plan d'austérité drastique imposé par l'union européenne n'a rien changé à la situation financière de la Grèce. Au contraire, la situation a empiré. Comment pourrait-il en être autrement ? Combinez une diminution des salaires de 20% avec une hausse drastique de la TVA et de la taxe sur les carburants, et vous avez la recette idéale pour mettre à genoux l'économie d'un pays : chute de la consommation, fermetures de nombreux commerces, chute des revenus, et donc, chute des impôts seront fatalement au rendez-vous.
Enfin, Jacques Sapir évoque l'ampleur du choc d'ajustement à opérer, uniquement pour stabiliser le poids de la dette. 15% environ du Produit Intérieur Brut. Oui, mais... Quel est le poids du secteur public dans le PIB grec ? 45% environ. En gros, il faudrait réduire les dépenses d'un tiers. Ca fait beaucoup... Au passage, je viens de lire un article sur la Grèce (
http://www.ifrap.org/La-situation-econo ... 12026.html), le secteur public est important, c'est vrai, mais 74% des impôts sont acquittés par les retraités et les fonctionnaires (le solde étant couvert par l'emprunt, humm).
Et chose assez 'remarquable', le plan d'austérité imposé à la Grèce a épargné le secteur militaire... Soit 6 sous-marins achetés à l'Allemagne pour 5 milliards d'euros, et 6 frégates achetées à la France pour 2,5 milliards d'euros (et des hélicos pour 400 millions). Cela répond à une nécessité bien réelle malheureusement, le voisin turc ayant régulièrement titillé la Grèce par le passé. Et incidemment, c'est de l'argent 'bien dépensé' puisqu'il repart directement dans les poches des 'contributeurs' français et allemands à la dette grecque...
La flemme de chercher un dernier lien (si quelqu'un l'a...), mais j'avais lu encore un autre article sur la Grèce où on expliquait que les enseignants ne parvenaient plus à se nourrir en Grèce avec leur salaire, qu'ils devaient compter sur l'aide parentale 'en nature' (le potager). Je ne me hasarderais pas à discuter si sur le fond c'est une bonne chose ou une mauvaise chose (en fait, c'est tout vu : la réponse est oui), mais avec les nouvelles ponctions en vue, quelque chose me dit que la consommation va tomber à zéro. Parce que si les gens ne peuvent plus se nourrir en allant faire leurs courses, ça m'étonnerait qu'ils continuent à acheter des fringues, des voitures, des téléviseurs,... Mais s'ils n'achètent plus de voitures... Quant à rembourser la dette avec des recettes en chute libre...