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M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 5 quinquies.
L’amendement n° I-125 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Patient, Antiste, Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 1° du II de l’article 150 VK du code général des impôts, le taux : « 7,5 %» est remplacé par le taux : « 15,5 % » ;
2° Le début de l’article 150 VL est ainsi rédigé :
« Sauf s’il réalise une moins-value telle que définie à l’article 150 V sur la cession d’un bien mentionné au 1° du I de l’article 150 VI, le vendeur (le reste sans changement) »
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Cet amendement tend à augmenter le niveau de taxation des cessions de métaux précieux. Je précise immédiatement que la cession de bijoux, d’objets d’arts ou de collection et d’antiquités n’entre pas dans le champ d’application de cette mesure : le marché de l’art français n’est donc pas concerné.
Seule est visée la cession, par les particuliers, de l’or, du platine, de l’argent, des débris de ces métaux et des monnaies d’or et d’argent d’une valeur supérieure à 1 800 euros, quelle que soit leur forme. En outre, les vendeurs professionnels dont le commerce des métaux précieux est l’activité principale n’étant pas soumis à la taxe sur les métaux précieux, cette profession ne serait pas touchée si cet amendement était adopté.
Le régime actuel de taxation de ces cessions présente une particularité : le vendeur peut choisir d’être soumis à une taxe forfaitaire assez faible – 7,5 %, auquel il faut ajouter 0,5 % de CSG – ou au régime des plus-values. Ce second régime est assez avantageux, car il permet de bénéficier d’une défiscalisation totale, si le vendeur peut justifier de la possession du bien depuis plus de douze ans, et d’échapper à toute fiscalité en cas de moins-value.
Cet amendement comporte deux parties. La première tend à augmenter le taux de la taxe sur la cession des métaux précieux. En plus de l’augmentation virtuelle des recettes que cette augmentation constitue pour l’État, il s’agit de peser davantage sur une pratique devenue courante depuis que le prix du kilo d’or dépasse plusieurs dizaines de milliers d’euros – il vaut actuellement plus de 41 000 euros – : la vente au poids, par les particuliers, de petites quantités d’or, par exemple des bijoux, dans des conditions pas toujours sécurisées tant en ce qui concerne l’origine des biens que le taux pratiqué. Avec le doublement de la taxe et son passage à 16 % du produit de la cession, il deviendra moins lucratif de vendre ces petites quantités d’or ; les particuliers se tourneront alors vers les enseignes leur proposant le meilleur taux.
La seconde partie de cet amendement vise à supprimer une anomalie. S’il est concevable de protéger le marché de l’art en garantissant la neutralité fiscale au vendeur qui réalise une moins-value, une telle protection ne paraît pas légitime pour le marché des métaux précieux. Rien ne justifie, en effet, que le particulier qui a investi dans l’or au détriment de l’économie réelle soit protégé des baisses des cours que ce marché connaît parfois. S’il souhaite vendre en faisant une moins-value, il sera soumis à la taxe forfaitaire, car l’investissement dans les métaux précieux constitue aujourd’hui plus un bunker qu’un refuge. Il convient donc de réintroduire la notion de risque qui avait disparu dans le cadre du régime introduit par l’article 68 de la loi n° 2005-1720 de finances rectificative pour 2005.
Certains pourraient craindre que la hausse de la fiscalité sur la cession à titre onéreux de métaux précieux n’entraîne paradoxalement une baisse des recettes issues de cette taxe, en raison de l’aggravation de la fraude fiscale, mais M. Baroin a répondu par avance aux craintes formulées au sein de notre Haute Assemblée en juin dernier : « En cette période de tensions budgétaires, c’est évidemment un devoir public de se donner les moyens de récupérer l’argent qui est dû, d’autant que la fraude est un élément de fissure, pour ne pas dire plus, du contrat social. »
Nous ne pouvons qu’espérer que les efforts consacrés à la lutte contre la fraude et les dispositifs mis en place – y compris celui-ci – portent leurs fruits.
Pour information, le produit de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité s’est élevé à 39,9 millions d’euros en 2008, à 39 millions d’euros en 2009 et à 52 millions d’euros en 2011. (commentaire de moi: 2010 je pense)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° I-125 rectifié, qui porte sur la taxe applicable aux transactions de métaux précieux – sujet particulièrement sensible en Guyane –, vise à doubler le montant du taux global, qui passera ainsi de 8 % à 16 %, si l’on tient compte de la CRDS et du prélèvement social.
La commission s’est interrogée sur l’objectif visé par les auteurs de cet amendement et j’avoue ne pas être certaine, monsieur Patient, d’avoir progressé dans la compréhension de votre démarche. En effet, il s’agit soit de lutter contre le trafic d’or en Guyane, où sévit l’orpaillage illégal, soit de proposer une mesure de rendement en augmentant la taxation des transactions de métaux précieux.
S’il s’agit d’une mesure de rendement, elle pourrait avoir des effets négatifs. En effet, à nos frontières, des pays tels que la Belgique, pour n’en citer qu’un, n’appliquent aucune taxation sur les ventes d’or. Il est donc prévisible qu’un mouvement d’évitement résulterait du doublement de la taxe sur les cessions de métaux précieux, taxe dont le produit a, par ailleurs, déjà beaucoup augmenté du fait de l’augmentation du volume des ventes, puisqu’il est passé de 38 millions d’euros à 70 millions d’euros en l’espace de quatre années à peine.
S’il s’agit de lutter contre les trafics d’or en Guyane, je ne crois pas que l’augmentation du taux de la taxe soit l’outil approprié et elle ne permettra pas davantage de lutter contre les vols de métaux précieux en France métropolitaine, lesquels se multiplient, du reste.
De surcroît, cet amendement tend à exclure l’application du régime des plus-values mobilières en cas de réalisation d’une moins-value sur les métaux précieux. Or je ne vois pas pourquoi nous créerions un régime dérogatoire pour les métaux précieux. Ceux-ci entrent en effet dans le patrimoine des ménages qui, lorsqu’ils devraient se séparer de leur or, de leur argent ou de tout autre métal précieux, se verraient donc appliquer une taxe assise sur la valeur totale du bien cédé.
Enfin, cette mesure ne permet pas même de lutter contre la spéculation, puisque celle-ci implique la réalisation d’une plus-value.
En revanche, monsieur Patient, l’article 47 sexies du projet de loi de finances prévoit le triplement des tarifs des redevances communales et départementales sur les mines aurifères, mesure qui peut être intéressante pour les collectivités locales et, notamment, les aider à mettre aux normes leurs installations de traitement des déchets…
La commission suggère donc le retrait de cet amendement, puis le report de l’examen de votre proposition soit en deuxième partie du projet de loi de finances, soit dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Nous pourrons ainsi mieux identifier les besoins réels et les objectifs visés, ce que nous ne sommes parvenus à faire ni la semaine passée, en commission, ni ce soir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Là encore, le Gouvernement a le même avis que la commission.
D’abord, cet amendement aurait nécessairement pour effet d’affecter fortement le marché français de l’or et, comme l’a fort justement rappelé Mme le rapporteur général, de favoriser les pays limitrophes du nôtre qui taxent peu ou pas les transactions de métaux précieux.
Ensuite, il ne règle pas le problème de l’orpaillage en Guyane et j’éprouve donc, moi aussi, quelques difficultés à percevoir l’objectif des auteurs de cet amendement.
Quant au second volet de l’amendement, qui vise à réserver l’option pour le régime d’imposition des plus-values sur cessions de biens meubles aux seuls contribuables ayant réalisé des plus-values, il échappe à la logique même de la fiscalité, qui doit s’appliquer à des revenus, et pénaliserait ceux de nos concitoyens qui auraient réalisé des moins-values sur ce type de transaction.
Pour toutes ces raisons, monsieur Patient, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, à l’encontre duquel le Gouvernement émettrait, sinon, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Patient, optez-vous pour le « retrait-report » ou pour le retrait simple ? (Sourires.)
M. Georges Patient. Pour le « retrait-report », monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° I-125 rectifié est retiré.