rialto a écrit:
Shenhua a écrit:
Selon E.Todd, la Chine va rattrapper notre niveau de développement mais ils seront vieux avant d'être riches, et leur système d'éducation sera un lourd handicap a terme ( un peu comme le système des Mandarins avait stoppe leur niveau de recherche scientifique ).
Pourrais-tu nous en dire plus là-dessus STP ?
En fait, c'est tout simple, et cela n'a pas grand chose à voir avec cette histoire de système des Mandarins. Il s'agit très schématiquement de faire en sorte que plusieurs centaines de millions de personnes -
pour l'époque, aujourd'hui ils sont 1,3 milliards - puissent vivre entassées les unes sur les autres sans que cela se termine par un bain de sang.
L'innovation technologique doit être strictement contrôlée parce que le pays serait bien incapable de supporter le cortège de troubles sociaux qu'un chômage massif ne manquerait pas de générer. Et dans la mesure où l'innovation technologique est elle-même un rejeton de la liberté d'esprit, celle-ci doit être strictement contrôlée au travers de l'éducation, massivement conformiste. Outre cela, les Chinois sont éduqués dans l'esprit de ne pas déranger le voisin (on ne parle pas fort, on glisse sur le sol pour ne pas faire de bruit, etc etc...).
Il y a également une soupape de sûreté dont l'importance est considérablement sous-estimée, c'est l'importance de la diaspora chinoise un peu partout dans le monde : les Chinois qui étouffent dans leur pays partent s'installer à l'étranger. Ils restent bien évidemment des Chinois, et conservent le contact avec leur pays, ne serait-ce que pour pouvoir établir des liens commerciaux, et constituent un vecteur d'innovation pour la Chine, dès lors que ses dirigeants la jugeraient souhaitable, ce qui est le cas aujourd'hui.
Au delà de ça, j'ai dit que l'éducation chinoise pousse au conformisme et n'encourage pas l'innovation. Elle n'encourage donc pas le goût du savoir pour le savoir, ce qui explique les cas de triche évoqués régulièrement, avec ces étudiants chinois prêts à payer leurs enseignants pour obtenir leur diplôme, et ce qui explique également la réputation de mauvaise qualité des produits chinois dès lors qu'il n'y a pas de contrôle rigoureux de la qualité du travail fourni - pourquoi en faire plus que ce qui est demandé ? - mais s'il y a de vraies exigences de qualité, elle est au rendez-vous.
Et si on leur demande de faire un travail à fond, par exemple pour mettre au point de nouveaux produits dont les principes technologiques sont relativement connus (conception et fabrication de produits électroniques), ils seront capables d'être au meilleur niveau. Cf. le fabricant de produits de télécommunication Huawei. Ou leur chasseur furtif J-20 dont le développement va bon train. Ou leurs progrès dans la conquête spatiale (je rappelle que les Etats-Unis ne sont plus capables aujourd'hui d'envoyer des hommes dans l'espace suite au retrait du service des navettes spatiales).
Enfin, j'ai dit que leur éducation ne favorise pas l'innovation, mais même là, ce n'est pas dit. Un des meilleurs moyens de réussir à l'école, c'est d'aimer l'école. Dans un pays qui promeut la réussite scolaire, et qui demande à ses citoyens de ne pas élever la voix, un enfant qui a tout le temps le nez plongé dans ses livres ne sera pas forcément mal vu. Le seul et unique souci qui puisse se poser, c'est que ses idées ne retiendront pas forcément l'attention... A moins que le gouvernement ne fixe des objectifs ambitieux de découvertes scientifiques à ses universités... Et c'est exactement ce qu'ils font en ce moment.
Quant à Emmanuel Todd, il a des analyses un peu fumeuses. Quand il compare la France et l'Allemagne, quand il essaie de chercher des explications pour comprendre pourquoi l'Allemagne est tombée dans le fascisme et pas la France, il oublie une chose : la France a connu un régime fasciste sous l'Empire. Et c'est parce que Napoléon a littéralement vidé la France de son sang que le pays s'est engagé avec plus d'un siècle d'avance sur ses voisins dans la transition démographique. Le meilleur moyen de ne plus être tenté par des aventures guerrières expansionnistes coûteuses en vies humaines, c'est de ne pas faire d'enfants. Ou en tout cas juste ce qu'il faut pour que la pression démographique reste supportable. L'Allemagne a également bien retenu la leçon, à la dure, après les deux guerres mondiales.