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Tradosaure
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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 03 Avr 2015 16:00 
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http://rt.com/business/246513-greece-gr ... y-drachma/


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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 04 Avr 2015 10:39 
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Un article intéressant du Saker sur ce que la Russie pourrait proposer à Tsipras lors de la rencontre du 8 avril à Moscou. Article forcément orienté mais pas dénué d’intérêt.
http://lesakerfrancophone.net/jeu-geost ... o-grecque/

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Mieux vaut une fin effroyable qu'un effroi sans fin.


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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 05 Avr 2015 08:27 
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solid_liquid a écrit:
Un article intéressant du Saker sur ce que la Russie pourrait proposer à Tsipras lors de la rencontre du 8 avril à Moscou. Article forcément orienté mais pas dénué d’intérêt.
http://lesakerfrancophone.net/jeu-geost ... o-grecque/
Sans doute une légère tendance à la propagande : :?
Citer:
Avec tout ce qui se dit et se fait ces jours-ci, depuis quand tricher et faire défaut sur des obligations est-il un crime? La Grèce peut gagner 300 milliards d’euros en un jour, et encore 300 milliards d’euros avec le gaz de Gazprom, le capital de la Chine et les ventes d’armes des Russes (M. Lavrov donne des conseils) pour pénaliser les fabricants occidentaux. Ajoutez des vols gratuits de Moscou et Saint-Pétersbourg pour la saison touristique, et la Grèce pourrait être le pays le plus riche de l’est de l’Europe avant la fin de l’été. Qui pourrait vraiment le reprocher au peuple grec? Les banquiers américains deux fois ruinés? Les vendeurs d’armes allemands qui récupèrent leurs pertes par des prêts de l’Union européenne? Les 30% de chômeurs Grecs, traités de fainéants par les Allemands? Ma seule question est de savoir quand le Portugal, l’Espagne et l’Italie diront à Francfort et à Washington de foutre le camp.
De gros bons sabots bien lourds .....


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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 06 Avr 2015 20:26 
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'La Grèce se prépare à nationaliser son système bancaire et à introduire une monnaie parallèle'
par Audrey Duperron • 04 avr. 2015

La Grèce se prépare à nationaliser son système bancaire et à introduire une monnaie parallèle, pour rester en mesure de payer ses dettes. Selon des sources au sein du parti au pouvoir SYRIZA, le gouvernement est décidé à maintenir les services publics opérationnels et à payer les pensions, plutôt que de rembourser un prêt de 458 millions d'euros qui devait être payé au FMI le 9 Avril. (Le 8 Avril, le Premier ministre Tsipras rencontre le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou). Le pays ne dispose pas assez d'argent dans ses caisses pour payer cette échéance, et assurer en même temps le paiement des salaires et des prestations sociales dus le 14 avril, et sans aide de l’Europe, il ne pourra donc pas remplir ses obligations.
Nous sommes un gouvernement de gauche. Si nous devons choisir entre un défaut sur le FMI ou un défaut sur notre propre peuple, le choix sera vite fait.»

«Nous pourrions être contraints de suspendre nos remboursements au FMI. Cela va provoquer le chaos sur les marchés financiers et le compte à rebours ira encore plus vite », a déclaré une source du gouvernement dans le journal britannique The Telegraph.

Ils veulent nous soumettre au rituel de l’humiliation et nous coincer. Il essayent de nous mettre dans une position où nous serons ou bien obligés de faire défaut à notre propre peuple, ou bien de signer un accord politiquement toxique pour nous. Si c’est leur objectif, ils seront obligés de se passer de nous. Nous allons fermer les banques puis nous les nationaliserons, et après nous émettrons des IOUs (investor owned utilities, des services publics détenus par des investisseurs) s’il le faut, et nous savons tous ce que cela signifie. Nous ne deviendrons pas un protectorat de l'UE. (…) Ils veulent faire de nous un exemple, et montrer qu’aucun gouvernement de la zone euro n’a plus le droit de réfléchir par lui-même. Ils ne pensent pas que nous oserons quitter la zone euro, ou que le peuple grec nous soutiendra, et ils se trompent sur ces deux points. »
Choisir de faire défaut au FMI, même pour quelques jours seulement, est une stratégie extrêmement risquée. Aucun pays développé ne l’a jamais fait (voir graphique) et même s’il devrait s’écouler une période de six semaines avant que la Grèce ne soit techniquement déclarée en faillite par le FMI, un tel processus pourrait échapper à tout contrôle et provoquer une réaction en chaîne sans précédent.

La Grèce est dans une position intenable. Même si le pays peut débourser les sommes qu’il doit au titre du mois d’avril, il doit 200 autres millions d'euros au FMI pour le 1er mai, et 763 millions supplémentaires pour le 12 mai.

Malgré un nouveau plan de 26 pages de nouvelles propositions soumis par le gouvernement de Tsipras, l'UE maintient ses exigences d’engagements concrets. On estime que les Grecs ont besoin de 19 milliards d’euros pour faire face à leurs échéances de cette année, ce qui implique que de nouvelles tensions pourraient apparaître dès cet été, et ce, même si le pays parvient à négocier un accord qui lui permettrait de subsister à ses besoins jusqu’au mois de juin.

L’ex-président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a jugé « totalement inacceptables » les demandes de la Grèce pour obtenir des délais supplémentaires et de l’argent, lui rappelant qu’elle avait une obligation morale à l’égard des autres pays : « Nous devrions nous souvenir qu’il y a des pays plus pauvres qui prêtent de l’argent à la Grèce, donc toute demande de réduction de sa dette recueillerait sans aucun doute une fin de non recevoir de ses partenaires »

http://www.express.be/business/fr/econo ... 212524.htm

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« Si la connaissance crée parfois des problèmes, ce n'est pas l'ignorance qui permet de les résoudre. » (Isaac Asimov)


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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 06 Avr 2015 22:10 
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Entre promesses et pression, la Grèce sur la corde raide
Par Deepa Babington et Renee Maltezou - Reuters

ATHENES (Reuters) - Alors que la crainte d'un défaut de la Grèce sur sa dette reprend le pas sur l'espoir d'une sortie de crise, le Premier ministre Alexis Tsipras peine encore à convaincre de sa détermination à réformer, condition pourtant indispensable à l'octroi de nouvelles aides.

Le chef du gouvernement demande un "compromis honnête" et il a multiplié ces dernières semaines les tête-à-tête avec des dirigeants européens, ce qui a au moins permis d'apaiser les discussions.

Mais il reste handicapé par les dissonances au sein de son propre parti, Syriza, et ne dispose que d'une très faible marge de manoeuvre pour faire des concessions sans remettre en cause le soutien de l'opinion publique grecque, de la gauche de son parti et du petit parti de droite dont dépend sa majorité parlementaire.

Panagiotis Lafazanis, le chef de file de l'aile gauche de Syriza, a averti ce week-end que toute remise en cause des promesses anti-austérité de la campagne électorale serait suicidaire.

"Le gouvernement défendra avec fermeté ses engagements face au vil chantage et aux dilemmes dérangeants, pas seulement sous la pression du parti mais parce qu'une telle retraite équivaudrait à un véritable 'Waterloo' pour le gouvernement", a dit Lafazanis, le ministre de l'Energie du cabinet Tsipras, au quotidien Agora.

Une trentaine des 149 députés Syriza ont exprimé des doutes lors d'une réunion à huis clos sur l'accord provisoire conclu le 20 février avec le reste de la zone euro, même si une poignée seulement a maintenu son opposition jusqu'au bout, ont rapporté des responsables du parti.

"MANDAT POPULAIRE"

Aujourd'hui, l'impasse dans laquelle se trouvent les discussions avec les créanciers et les tensions internes alimentent les spéculations de la presse sur la possibilité de nouvelles élections anticipées ou d'un référendum qui permettrait à Alexis Tsipras de ne pas céder aux créanciers, même si le gouvernement dément tout projet de ce genre.

Les sondages montrent qu'Alexis Tsipras conserve le soutien de 78% des Grecs, une popularité forte mais qui risquerait de chuter si le chef du gouvernement reniait ses promesses de campagne, d'autant qu'il fait lui-même souvent référence au "mandat populaire" que lui ont confié les électeurs.

Devant les députés, la semaine dernière, il a détaillé les "lignes rouges" que son gouvernement s'interdit de franchir -- une baisse des pensions de retraite et des réductions massives d'effectifs -- et réaffirmé ses priorités : remise en cause des mesures de dérégulation du marché du travail et préservation du rôle de l'Etat dans les entreprises initialement appelées à être privatisées.

"Voilà nos lignes rouges. Je veux dire clairement que nous n'y renoncerons pas, quels que soient le chantage ou la pression qu'ils exercent sur nous", a-t-il dit. "Il ne s'agit pas seulement des lignes rouges de Syriza mais des lignes rouges du peuple grec et de la Grèce dans des négociations qui, nous le pensons tous, finiront par être efficaces."

Son ministre des Finances, Yanis Varoufakis, est allé encore plus loin en expliquant que le gouvernement avait clairement expliqué jusqu'où il pouvait aller en matière de réformes et qu'il appartenait désormais aux créanciers de présenter leurs propositions.

"ON NE SAIT PAS QUI EST RESPONSABLE"

"Nous n'allons pas condamner le pays, comme l'ont fait les gouvernements précédents, à une asphyxie durable", a-t-il dit au quotidien Naftemporiki. "La vraie question est de savoir ce que propose l'autre partie. Les négociations se rapprocheront d'une conclusion quand cette question aura reçu une réponse."

Yanis Varoufakis lui-même suscite nombre d'interrogations, d'autant qu'il est resté silencieux pendant plusieurs jours après avoir tenu des propos parfois virulents à l'encontre, notamment, de la Banque centrale européenne (BCE).

Dimanche, il est réapparu à Washington, où il a assuré à la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, que la Grèce paierait ses dettes.

Des annonces contradictoires sur des dossiers tels que le projet de privatisation du port du Pirée, successivement annoncé, annulé, relancé et transformé en projet de coentreprise, ont sapé la confiance des prêteurs étrangers et nourri les doutes sur la compétence et la cohésion du nouveau gouvernement, ont dit des sources proches des discussions.

Une source a rapporté que des négociateurs étrangers s'étaient retrouvés dans un premier temps face à des fonctionnaires expliquant qu'ils n'avaient pas l'autorité nécessaire puis face à des responsables qui s'en tenaient à des propos très généraux et incapables de chiffrer leurs arguments. "Au final, on ne sait pas qui est responsable", a-t-elle ajouté.

La présence de deux négociateurs différents dans les discussions, Giorgos Chouliarakis et Nikos Theoharakis, a nourri les soupçons de division au sein même du gouvernement grec. Le premier passe pour être proche du vice-Premier ministre Yannis Dragasakis, le second pour être lié à Yanis Varoufakis.

Le gouvernement dément toute divergence entre ses représentants aux discussions.

Certains responsables de Syriza expliquent que le parti est fier d'accorder ses membres une liberté de parole inhabituelle, mais ils assurent que sa ligne ne sera pas remise en cause.

"La délégation est unie, serrée comme le poing, et elle agit dans le droit chemin des engagements du gouvernement envers le peuple", a dit le ministère des Finances dans un communiqué publié ce week-end.

(Marc Angrand pour le service français)

https://fr.news.yahoo.com/entre-promess ... sion-la-grèce-sur-la-201148712.html

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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 07 Avr 2015 11:01 
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Tsipras, acteur du grand basculement?
6 avril 2015

Alexis Tsipras, le nouveau Premier Ministre de la Grèce sera le 8 avril à Moscou. Or, le 9 avril, la Grèce doit effectuer un payement au Fond Monétaire International. Les déclarations sur ce point du Ministre des finances de la Grèce ne laissent planer aucune ambiguïté : la Grèce honorera sa créance[1]. Mais, le 14 avril, la Grèce doit simultanément émettre pour 1,4 milliards d’Euros de bons du Trésor, renouvelant la dette à court terme (ce que l’on appelle faire « rouler » la dette) et le gouvernement doit payer 1,7 milliards en pensions et salaires. Or, la Banque Centrale Européenne a « déconseillé » aux banques privées grecques d’accepter de nouveaux bons à court terme émis par l’Etat grec[2]. On voit que cette visite d’Alexis Tsipras à Moscou va donc bien au-delà de la traditionnelle amitié entre la Grèce et la Russie. Elle pourrait signifier, à relativement court terme, l’amorce d’une bascule à l’échelle de l’Europe.

I. La situation de la Grèce

On sait que la Grèce a conclu un accord de nature provisoire avec ses créanciers (l’Eurogroupe mais aussi le FMI). Aujourd’hui le pays fait donc face à des difficultés importantes de court terme comme la fuite des capitaux hors du système bancaire (12 milliards d’Euros pour le mois de février) ainsi que l’incertitude financière sur sa capacité à effectuer les remboursements de sa dette. Cette incertitude financière est une arme à la fois politique et économique sur le nouveau gouvernement. Les investissements sont aujourd’hui fortement ralentis en Grèce et les Investissements Directs Etrangers (IDE) sont au point mort. Dans ces conditions, l’Eurogroupe (i.e. la réunion des Ministres des finances de la Zone Euro) a pris la responsabilité d’exercer des pressions politiques et économiques de plus en plus fortes sur le gouvernement grec.

On sait aussi que les politiques d’austérité sont un échec, non seulement en Grèce mais dans bien d’autres pays. Les effets destructeurs de ces politiques d’austérité, non seulement dans le cas de la Grèce mais aussi dans celui du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie, sont aujourd’hui évidents et parfaitement avérés. D’un point de vue technique, on peut dire que le multiplicateur des dépenses fiscales, ce multiplicateur qui lie les mouvements du PIB et celui des dépenses budgétaires, a été grossièrement sous-estimé par les autorités de l’Union Européenne, et cela même après la publication de l’étude fameuse de Blanchard, réalisée au FMI, et datant de janvier 2013[3]. Il est évident que les politiques mises en œuvre en Grèce sous le nom de « Mémorandum » ne fonctionnent pas et ont, de plus, des effets destructeurs très importants sur l’économie. Ces politiques, et il faut insister sur ce point, n’ont pas été mises sur pied pour « aider » la Grèce, mais bien uniquement pour permettre aux pays créditeurs d’être remboursés. Ceci a été reconnu dernièrement dans une note du FMI. Mais, sur ce point aussi, elles se révèlent contre-productives. En effet, il est clair que la Grèce, à la suite des divers Mémorandums, ne pourra pas rembourser sa dette. La politique mise en œuvre pour sortir ce pays de l’insolvabilité l’a, au contraire, fait plonger dans l’insolvabilité.

C’est dans ce cadre qu’il faut considérer les politiques mises en œuvre par l’Union européenne, et dont le caractère anti-démocratique, et même fascisant, se révèle chaque jour un peu plus. En coupant l’accès à la liquidité d’urgence qui a été mis en place par la BCE dès le 4 février dernier, en refusant toutes les solutions proposées par Athènes, les dirigeants européens espèrent que la pression va être telle sur Alexis Tsipras que ce dernier sera contraint d’accepter les conditions de ses créanciers. Ces conditions ne sont pas économiques, car on a vu qu’elles ont en réalité aggravé la situation du pays. Ces conditions sont donc bien en réalité politiques. A travers elles, l’acceptation de « réformes » du marché du travail et des pensions, qui ne sont pas urgentes sur le plan économique, permet de montrer la capacité des institutions européennes « d’annuler » politiquement l’essentiel du programme et du message de Syriza. C’était là l’essentiel et il faut bien le comprendre pour saisir toute la situation. Les dirigeants européens veulent ainsi annuler le résultat des élections du 25 janvier si celui-ci met en péril la politique qu’ils mènent depuis des années. Ils veulent annuler ces élections alors même qu’ils se prétendent de grands défenseurs de la démocratie. On a ainsi la démonstration irréfutable que « démocratie » n’est qu’un mot dans leur bouche et que, dans la réalité, ils n’ont de cesse de nier cette dernière et de nier la souveraineté du peuple qui s’est exprimé dans ces élections. Dans cette stratégie, l’Eurogroupe n’a donc cessé de rejeter les propositions de réformes présentées par la Grèce. Mais, ce faisant elle a radicalisé les positions du gouvernement grec. Il faut alors comprendre pourquoi ce dernier n’a pas décidé de rupture franche avec les institutions européennes.

II. Les raisons de la politique grecque vis-à-vis de l’Europe

En réalité, Syriza situe son action à l’intérieur de l’Union européenne. Certains le font par idéologie, mais la majorité du parti le fait par réalisme. L’attachement de la population et des élites grecques à l’UE est important et il faut en comprendre les raisons. Les raisons de cet attachement sont multiples.

Il y a d’abord des raisons d’ordre géopolitique. Les Grecs se souviennent de l’isolement dont leur pays fut victime lors des événements de Chypre, en 1973, qui devaient conduire à l’intervention Turque sur l’île (opération ATTILA). Ces événements furent d’ailleurs la cause de la chute de la dictature des « colonels ». Il en reste la mémoire en Grèce des dangers d’un nouvel isolement. C’est ce que les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, ont cherché à éviter via l’adhésion de la Grèce au Marché Commun (sous le gouvernement conservateur de Caramanlis) puis le soutien indéfectible aux différentes étapes de la construction européenne. Même l’adhésion de la Grèce à l’Union Economique et Monétaire, c’est à dire à la zone Euro, peut en réalité être interprétée comme une expression de cette volonté de ne pas être isolée. On peut penser que cette crainte de l’isolement face à la Turquie puisse désormais être contrebalancée tout autant par des accords militaires et politiques avec la Russie que par l’adhésion à l’Union européenne.

Il y a, ensuite, des raisons économiques. La Grèce a beaucoup profité dans la période 1975-2000 des fonds structurels européens et nombre d’investissements publics ont été réalisés grâce aux programmes divers (aides aux zones insulaires, aux zones de moyenne montagne, etc…) de l’aide européenne. Le fait que cette dernière se soit largement réduite depuis 1995, surtout depuis l’entrée des anciens pays d’Europe de l’est dans l’UE, rend cependant cet argument bien plus faible qu’il y a dix ans. Les Grecs ont mesuré qu’aujourd’hui cette « aide » est de plus en plus faible alors que les contraintes imposées par l’Union européenne sont véritablement meurtrières.

Il y a, enfin, une raison idéologique. Les élites modernisatrices de la Grèce, élites dont Syriza fait en réalité partie intégrante, ont toujours considéré que le rattachement à l’Europe occidentale, c’est-à-dire au noyau initial du Marché Commun, était un gage de mise en œuvre des réformes destinées à libérer la Grèce de l’héritage ottoman. On peut discuter à l’infini de ce qui est et n’est pas, dans la culture sociale et politique grecque un « héritage » de l’occupation ottomane, mais il n’en reste pas moins que la présence massive du népotisme, de la corruption, et plus généralement d’institutions que l’on peut qualifier de «molles » et qui permettent le maintien de ce népotisme et de cette corruption, est attribuée à cet « héritage ». De ce point de vue, l’adhésion à l’Union européenne était la seule garantie des réformes nécessaires.

Ces trois raisons expliquent que Syriza soit un parti viscéralement pro-européen, et que le deuil qu’il doit faire de l’Europe soit un processus douloureux. Les dirigeants de Syriza avaient espéré fédérer autour d’eux des pays qui souffraient tout autant de l’austérité, comme l’Espagne, le Portugal ou même l’Italie et la France. Ils avaient espéré constituer un grand « front uni » contre l’austérité à l’échelle européenne. Mais, ils ont ici péché par optimisme. Optimisme quant aux positions du gouvernement français qui s’avère chaque jour un peu plus le laquais de l’Allemagne. Optimisme quant aux positions des gouvernements conservateurs en Espagne et au Portugal qui voient en réalité en Syriza un danger pour leur propre domination sur leurs peuples. Les dirigeants de Syriza, mutatis mutandis, se sont trouvés dans la même position que les dirigeants bolchéviques persuadés que la révolution en Russie allait provoquer la révolution en Allemagne et restant en panne de stratégie quand ceci n’arriva pas. On sait que de ce constat naquit la stratégie de développement autonome de l’URSS, avec la NEP, conçue comme une stratégie alternative devant l’échec de la révolution en Allemagne. Autour de cette NEP put se fédérer un bloc implicite allant des bolchéviques aux divers modernisateurs (menchéviques, socialistes-révolutionnaires), bloc qui devait donner d’ailleurs à la NEP sa dynamique économique et sociale extrêmement progressive[4]. De fait, il semble que les dirigeants de Syriza aient anticipé que leur optimisme pourrait être déçu. L’alliance politique qu’ils ont conclue avec les « Grecs Indépendants » (An.El) signifiait bien que les concessions qu’ils étaient prêts à faire pour rester au sein de la zone Euro auraient une limite. Il est aussi possible qu’ils aient sous-estimé le mouvement de résistance nationale qui s’est manifesté après l’élection du 25 janvier.

Nous en sommes là. Le gouvernement grec a compris que, fors une capitulation sans condition, une soumission abjecte aux diktats européens, il ne trouverait aucun terrain d’accord avec l’Eurogroupe et la BCE. Le fait qu’il ait évolué dans sa position quant à la privatisation du port du Pirée, pour ne pas heurter la Chine, est une indication que le gouvernement grec n’attend plus grand chose de l’Union européenne et se prépare à compter de plus en plus sur la Russie et la Chine.

III. Quelle stratégie ?

Il faut alors envisager ce qui pourrait se passer dans les prochains jours, voire les prochaines semaines.

Le gouvernement grec a donc décidé d’honorer sa créance au FMI. C’est entièrement compréhensible. Il ne peut se mettre à dos et l’Eurogroupe et le FMI. Un défaut vis-à-vis de ce dernier aurait de plus des conséquences importantes pour la Grèce, des conséquences en fait d’autant plus importantes que la Grèce se trouverait coupée des financements européens et forcée, de fait, de sortir de l’Euro. La décision d’honorer la créance vis-à-vis du FMI laisse à penser qu’une position de rupture est en train d’émerger au sein du gouvernement grec.

Cette rupture cependant, le gouvernement grec veut en faire peser l’entière responsabilité sur l’Eurogroupe et l’Union européenne. Il le veut d’une part pour des raisons de politique intérieure et de morale politique. Ayant affirmé durant la campagne électorale qu’il ne voulait pas sortir de l’Euro, il doit agir en sorte d’être expulsé de cette dernière. D’où le fait qu’il ne faut pas s’attendre à des gestes de rupture de la part de la Grèce mais à une fermeté sur les principes : il n’est pas question de renoncer aux promesse électorales et au programme sur lequel ce gouvernement a été élu. Mais, le gouvernement grec veut aussi que cette rupture soit le fait des institutions européennes pour rendre moins douloureuse la brisure du rêve européen. Le deuil de l’idée européenne, du moins dans sa forme la plus inclusive, aura certainement des conséquences. Si la responsabilité de ce deuil peut reposer sur Bruxelles et Francfort, il peut en découler un surcroît de légitimité pour le gouvernement grec.

C’est ici que prend place la possibilité de créer une nouvelle monnaie qui circulerait en même temps que l’Euro, afin de permettre au gouvernement grec de réaliser les paiements qu’il doit faire pour la population et de relancer le financement de l’investissement. Il faut dire ici que ceci n’a pas eu d’équivalent. Non que des systèmes de double circulation monétaire n’aient pas existé. Mais, ces systèmes ont été à la fois très instables (une monnaie finissant par évincer l’autre) et il n’y a pas d’exemple de cas où une monnaie supra-nationale ait été contestée par une monnaie nationale nouvellement créée, sauf dans le cas de la rupture d’un pays (Autriche-Hongrie, URSS). Dans ce cas, la double circulation ne dure pas plus que quelques semaines. Si le gouvernement grec décide logiquement, devant l’étranglement financier dont il est l’objet, de créer une nouvelle monnaie, se poseront immédiatement deux problèmes :
•Quelle stabilité pour la nouvelle monnaie.
•Quel taux de change entre cette nouvelle monnaie et l’Euro.

La stabilité de cette nouvelle monnaie pourrait être garantie par un fond de stabilisation, lui-même issu d’un prêt de courte durée (2 ans au maximum). La Russie a déjà dit, par la voix de son Ministre des affaires étrangères, qu’elle était prête à étudier un tel prêt. En fait, on voit bien que ceci est une manière « douce » de sortir de l’Euro. Si cette nouvelle monnaie est stable, elle va rapidement s’imposer dans la circulation monétaire interne face à l’Euro tout en connaissant une dépréciation de 20% à 30%. Cette dépréciation devrait aboutir à une balance commerciale fortement excédentaire dans un délai de 6 mois à un an, garantissant les conditions de remboursement du prêt. De fait, les conditions d’une stabilité à moyen terme de la nouvelle monnaie grecque apparaissent comme bonnes. Ce fond de stabilisation pourrait bien être fourni par la Russie. Cet excédent commercial pourrait d’ailleurs être aussi accru par la levée des « contre-sanctions » prises par la Russie contre les productions agro-alimentaires des pays de l’UE, une levée qui pourrait dans un premier temps concerner la Grèce et la Hongrie. Par ailleurs, la Grèce devra faire défaut sur ses dettes libellées en Euro, ce qui ne sera pas sans poser quelques problèmes aux pays de l’Eurogroupe et à la BCE.

Plus généralement, un conflit irrémédiable entre la Grèce et les pays de l’Eurogroupe aboutirait à ce que la Grèce se tourne vers la Russie et la Chine à la fois pour les investissements (IDE) et pour les relations tant politiques qu’économiques.

IV. Un grand basculement

Une telle solution impliquerait un basculement dont le sens dépasse de loin le seul cas de la Grèce. Lors de la préparation de son voyage à Moscou qui doit avoir lieu le 8 avril, Alexis Tsipras a donné le ton le 31 mars en affirmant que les « sanctions contre la Russie ne mènent nulle part.»[5]. Cette déclaration était un désaveu très clair de la politique orientale de Bruxelles, en particulier au sujet de l’Ukraine. Voilà qui a de quoi inquiéter la Commission européenne. Athènes pourrait alors se décider à défendre les positions de la Russie au sein de l’UE, et ce, en particulier, si l’UE se montrait agressive avec la Grèce. Il n’est nullement de l’intérêt de la Grèce de quitter l’UE. Le gouvernement grec serait un bien meilleur allié de Moscou s’il restait membre de l’UE, tout en contestant systématiquement, et en les paralysant, toutes les décisions. Or, si l’on peut, en théorie, expulser un pays de l’UE, il faut pour cela obtenir l’unanimité des autres membres. Il est clair qu’il y aura toujours un ou deux autres pays qui refuseront de voter cette expulsion, ne serait-ce qu’en raison de la crainte qu’ils pourraient avoir d’être les prochains sur la liste des expulsés.

Ce refus d’aller plus avant dans la confrontation avec la Russie, refus qui – il faut le savoir – est très largement partagé en Grèce même par des forces politiques qui ne sont pas au gouvernement, pourrait d’ailleurs faire sortir du bois d’autres pays qui partagent en réalités ces positions : Chypre, la Slovaquie ou la Hongrie, par exemple. Mais, aujourd’hui, l’enjeu de ce voyage est sans doute encore plus grand. Il est clair que le conflit entre la Zone Euro et la Grèce est inévitable et que ce conflit peut provoquer une sortie de l’Euro de la part de la Grèce. Le voyage à Moscou d’Alexis Tsipras, mais aussi les relations étroites que son gouvernement est en train d’établir avec la Chine et plus généralement avec les pays des BRICS, représentent potentiellement un moment historique. Celui du reflux des institutions européennes de l’UE au profit d’une avancée, certes timide, certes prudente, mais néanmoins réelle des puissances émergentes, comme la Russie et la Chine, dans le jeu européen. C’est pour cela qu’il y a bien plus dans ce voyage que ce que l’œil d’un observateur peut voir.

La crainte de ce grand basculement doit aujourd’hui commencer à s’immiscer dans les cerveaux quelque peu embrumés des dirigeants européens. Quelles sont alors leurs possibilités ? Ils peuvent céder, tout ou partie, de ce que demande Syriza. On l’a déjà dit, une telle solution porterait en elle la condamnation implicite des politiques d’austérité. Il ne faudrait guère attendre pour que d’autres pays, tels l’Espagne et le Portugal, adorant ce qu’hier ils avaient brulé, ne se décident alors à embrasser les demandes de la Grèce. Le risque est immense de voir la politique, établie par l’Allemagne et au profit de l’Allemagne, voler alors par-dessus les moulins. Le gouvernement allemand en est conscient et c’est pourquoi il mène un « front de la fermeté » sur ces points. Mais, à tenir une position intransigeante avec la Grèce, ces mêmes dirigeants prennent le risque d’un éclatement de toute la construction politique qu’ils ont accomplie depuis plus de quinze ans. On le voit, et ceci quelle que soit l’issue de cette crise, c’est à la fin de la construction européenne telle qu’elle s’est faite depuis maintenant près de vingt-cinq ans que nous sommes en train d’assister. L’expression « grand basculement » apparaît donc comme bien appropriée. Reste à savoir comment les gouvernants français s’adapteront à cette nouvelle situation.

Jacques Sapir

Notes

[1] http://lexpansion.lexpress.fr/actualite ... 68428.html
[2] http://www.latribune.fr/economie/union- ... ce-demande banques-grecques-de-ne-plus-acheter-de-dette-d-athenes-463735.html
[3] Blanchard O. et D. Leigh, « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers », IMF Working Paper, n°13/1, janvier 2013.
[4] Sapir J., “Éléments d’une histoire économique de l’URSS: quelques questions sur la croissance”, inHistoriens et Géographes, n°351, décembre 1995, pp.191-218. Idem, “La guerre civile et l’économie de guerre, origines du système soviétique”, in Cahiers du Monde Russe, vol. 38, n°1-2, 1997, pp. 9-28.
[5] http://www.theguardian.com/world/2015/m ... arelations
Tsipras, acteur du grand basculement? | RussEurope.



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 Sujet du message: Re: Grèce : crise, notation, banqueroute, manif, FMI, UE, 2eme
MessagePublié: 07 Avr 2015 18:34 
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La Grèce estime à 278,7 milliards d'euros la dette de guerre allemande
Berlin juge "stupides" les exigences chiffrées par Athènes
AFP - 07 avril 2015

Le ministre allemand de l'Economie Sigmar Gabriel a qualifié mardi de "stupides" les nouvelles estimations de la Grèce concernant les réparations réclamées à Berlin au titre de la Seconde guerre mondiale, soit 278,7 milliards d'euros. "Honnêtement, je trouve ça stupide", a déclaré M. Gabriel, également vice-chancelier social-démocrate du gouvernement d'Angela Merkel, lors d'une conférence à son ministère.

Selon Sigmar Gabriel, l'intérêt de la Grèce est d'avoir une marge de manœuvre pour résoudre ses problèmes de dette, mais "cette marge de manœuvre n'a rien à voir avec la Deuxième Guerre mondiale et le paiement de réparations", a-t-il insisté.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole du ministère des Finances a indiqué que le sujet "était clos, juridiquement et politiquement", réitérant la position de Berlin et refusant de commenter les nouvelles exigences chiffrées d'Athènes.
Lors d'un débat au Parlement grec entamé samedi, le secrétaire d'Etat au Budget, Dimitris Mardas, a indiqué que ses services avaient évalué à 278,7 milliards d'euros le montant des réparations de guerre dues par l'Allemagne à la Grèce à la suite de l'occupation du pays entre 1941 et 1944.

Le débat sur les réparations allemandes a resurgi depuis le début de la crise économique en Grèce et le gouvernement d'Alexis Tsipras, confronté à de grandes difficultés de financement, revendique le paiement de ces réparations.
Selon M. Mardas, la somme de 278 milliards comprend un prêt forcé de 10,3 milliards d'euros exigé de la Banque de Grèce par les occupants ainsi que les dommages subis par les "particuliers et les infrastructures" du pays.

Un rapport de la Comptabilité nationale grecque avait dans le passé évalué le montant des réparations à 162 milliards d'euros.
Officiellement, pour Berlin, le sujet des réparations et des dédommagements de guerre a été définitivement réglé via des traités internationaux, mais certains responsables sont moins catégoriques.

Mi-mars, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Michael Roth avait proposé d'augmenter la contribution allemande à un fonds germano-grec, semblant entrouvrir la porte à certaines compensations, mais sans fournir de chiffres.
Alors que l'opposition de gauche allemande plaide depuis des semaines pour une attitude plus favorable envers la Grèce, Bernd Riexinger, président du petit parti de gauche radicale Die Linke, a estimé lundi que le prêt forcé imposé par l'Allemagne nazie "devait être remboursé", dans une déclaration à l'AFP.

"Le gouvernement allemand ferait mieux de coopérer" avec Athènes "et de se mettre sur le chemin du dialogue, de la compréhension et du droit", a-t-il ajouté, concédant que le thème des réparations était "inconfortable".
Durant un débat parlementaire qui avait débuté samedi, le secrétaire d'Etat au Budget, Dimitris Mardas, a indiqué que ses services avaient évalué à 278,7 milliards d'euros le montant des réparations de guerre dues par l'Allemagne à la Grèce à la suite de l'occupation du pays entre 1941 et 1944. Le débat sur les réparations allemandes a ressurgi depuis le début de la crise économique en Grèce et le gouvernement Syriza revendique le paiement de ces réparations.

Selon M. Mardas, la somme de 278 milliards comprend un prêt forcé de 10,3 milliards d'euros exigé de la Banque de Grèce par les occupants ainsi que les dommages subis par les "particuliers et les infrastructures" du pays. Un rapport de la Comptabilité nationale grecque avait dans la passé évalué le montant des réparations à 162 milliards d'euros.
Pour Berlin, la question des réparations et des dédommagements de guerre a été définitivement réglée via des traités internationaux.

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MessagePublié: 08 Avr 2015 08:10 
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Pourquoi la Grèce provoque-t-elle l'Allemagne sur les réparations de guerre ?
Par Romaric Godin (Crédits : reuters.com) - 07/04/2015

Le gouvernement grec joue-t-il avec le feu ? La question mérite d'être posée alors que la nouvelle majorité élue le 25 janvier a lancé plusieurs initiatives ces derniers jours : l'évaluation de la « dette de guerre » allemande, la mise en place d'une commission d'évaluation de la dette et la mise en place d'une commission parlementaire sur les conditions du « sauvetage » de 2010.

Une absurdité risquée ?

En Europe, c'est surtout la première question qui provoque des cris d'orfraies, surtout après que le vice-ministre aux Finances, Dimitris Mardas, a estimé à 279 milliards d'euros ce que devrait l'Allemagne à la Grèce. Le vice-chancelier social-démocrate allemand Sigmar Gabriel a jugé cette demande « stupide. » Comment, a priori, ne pas lui donner raison ? La somme est considérable et il est certain que l'Allemagne ne versera jamais à la Grèce un tel montant. On sait aussi que seule la Grèce demande le versement de telles indemnités, alors que les autres pays victimes du nazisme se taisent.

On peut s'arrêter à cette stupidité. Et estimer donc que la Grèce joue là un jeu dangereux. Le quotidien Le Monde estime ainsi qu'Athènes prend trois risques. Le premier, celui de tenter de « désigner un responsable extérieur » à sa situation ; le second, de s'ôter l'argument du pragmatisme en demandant ce qu'on lui demande, le paiement d'une dette impossible à payer ; le troisième, enfin, celui de détruire le principe de la solidarité européenne en remettant en cause le principe sur l'Union européenne serait fondée, « le dépassement du cycle de guerres et d'humiliations qui a conduit l'Europe à la ruine. »

La Grèce isolée ? C'est déjà fait !

En réalité, le jeu peut être un peu plus fin que celui que l'on croit. Rappelons d'abord que la Grèce n'a pas besoin de cette question (comme elle n'a pas davantage besoin d'un rapprochement avec Moscou) pour se retrouver isolée en Europe. Elle l'est depuis le 26 janvier, autrement dit depuis la constitution du nouveau gouvernement. Les réunions de l'Eurogroupe ont montré cet isolement et le dialogue de sourd depuis le 20 février l'a confirmé. L'utilisation de cette question des réparations de guerre répond donc à une logique de bras de fer et de rapport de force dans lequel la Grèce joue, quoiqu'il arrive, seule contre tous. Il est évident, n'en déplaise à beaucoup, que les leaders grecs ne sont pas plus stupides que la plupart des journalistes européens. Ils savent donc pertinemment que l'Allemagne ne fera jamais un chèque de 279 milliards d'euros à la Grèce. Pourquoi alors soulever cette question ?

Message à l'opinion grecque

D'abord, parce que c'est un message envoyé à l'opinion grecque. Les élections du 25 janvier a été une révolte contre le sentiment d'humiliation très fort qu'ont représenté les années « troïka » en Grèce. Alexis Tsipras sait que l'essentiel de sa popularité réside dans sa capacité à résister aux demandes des créanciers. Cette question des réparations entre dans la même logique : il s'agit de montrer aux Grecs que la Grèce parle d'égal à égal à l'Allemagne et peut évoquer les sujets qui fâchent. Longtemps, les gouvernements grecs ont évité le sujet, sans néanmoins obtenir de véritable respect de la part des Européens. Cette époque est terminée et le gouvernement grec souhaite montrer qu'il ose désormais mettre ces sujets sur la table. Dans l'esprit des nouveaux dirigeants grecs, à tort ou à raison, ceci répond à deux besoins. Le premier est que l'économie nationale ne se redressera que si les Grecs reprennent confiance en eux et retrouvent donc cette « fierté nationale » que les cinq dernières années leur ont largement ôtée. Le second est que, si les négociations viennent à prendre un tour négatif, le gouvernement aura besoin du soutien populaire, il doit donc ménager sa popularité.

La recherche de responsables extérieurs ?

Contrairement à ce qu'affirme Le Monde, le gouvernement grec n'a jamais cherché à établir un lien entre l'absence du paiement de réparations et la situation actuelle du pays. Si l'on lit le discours d'Alexis Tsipras sur le sujet prononcé le 10 mars devant la Vouli, le parlement grec, on cherchera en vain un tel raccourci. Du reste, l'actuelle majorité a lancé deux commissions distinctes pour établir la légitimité de la dette et du « sauvetage » de 2010. Mais ces commissions elles-mêmes ne visent-elles pas à éviter les responsabilités du pays dans l'actuelle crise ? Là encore, c'est un procès d'intention récurrent adressé aux Grecs, mais qui est peu fondé. Compte tenu de l'ampleur de la crise, l'établissement des responsabilités n'est pas un luxe superflu.

La Grèce n'est pas seule dans ce domaine : les deux chambres du parlement irlandais (Oireachtas) ont lancé également une commission d'enquête sur les causes de la crise bancaire et de la crise de 2010-2011. Ces démarches apparaissent en réalité comme des signes de responsabilité : on cherche à comprendre les causes d'une crise pour pouvoir éviter sa reproduction. Ce qui est plutôt étonnant, c'est le refus des Européens de prendre leur part de responsabilité. Ainsi la BCE et son président d'alors, Jean-Claude Trichet a-t-elle toujours refusé de se présenter devant la commission de l'Oireachtas, arguant du fait qu'elle n'avait à s'expliquer (ce qui n'est pas rendre des comptes) que devant le parlement européen. Un parlement européen qui a refusé, à la demande des conservateurs allemands, une commission d'enquête officielle sur les actions de la troïka. Et l'on se souvient que la Commission européenne, à la différence du FMI, n'a jamais accepté son erreur sur sa stratégie d'austérité des années 2010-2012. Où est alors la fuite devant les responsabilités ?

Là encore, l'attitude du gouvernement grec tranche avec celle des Européens. Car, la responsabilité grecque ne sera certainement pas dissimulée par ces commissions. Pour preuve : Nouvelle Démocratie a voté contre l'établissement de la commission sur 2010. Et c'est bien le but : montrer aux Grecs que l'on n'évite aucun sujet désormais, à la différence des précédents gouvernements. Et, en passant, mettre en exergue l'absence de responsabilité des Européens.

Valeur comparative des demandes grecques

La question des réparations a en fait surtout une valeur « comparative. » Il s'agit de montrer ce à quoi l'Allemagne a « échappé » grâce à la bienveillance des vainqueurs. Il s'agit de montrer précisément que si une dette de 278,7 milliards d'euros est un fardeau « absurde » pour l'Allemagne dont le PIB est de 3.000 milliards d'euros, une dette de 320 milliards d'euros l'est d'autant plus pour un pays comme la Grèce dont le PIB est de 192 milliards d'euros. Soulever cette question n'affaiblit donc pas le « pragmatisme » de Syriza, comme le soutient Le Monde, il le renforce. S'il est en effet légitime que l'Allemagne juge «absurdes » les réclamations grecques, si l'on considère que le temps doit effacer les responsabilités allemandes, comment peut-on ne pas juger tout aussi « absurde » d'exiger de la Grèce qu'elle rembourse intégralement et pendant 39 ans une dette qui est insoutenable pour son économie ? Une dette est une dette. Le temps ne change rien à l'affaire. Le Royaume-Uni a remboursé récemment ses dettes émis pour financer la guerre de 1914-1918. Pourquoi l'Allemagne serait-elle exemptée de faire face à ses responsabilités d'il y a 70 ans ? Rejeter la dette allemande doit amener à rejeter la dette grecque. Voilà pourquoi Athènes à tout intérêt à renoncer à cette somme due par l'Allemagne... en échange évidemment d'une position plus souple de ses créanciers.

Eviter de répéter les erreurs du passé

Ce que cette affaire permet de soulever, c'est donc le risque d'un « deux poids, deux mesures » en Europe, qui briserait la solidarité européenne. Car les cas de l'Allemagne de l'après-première guerre mondiale et de la Grèce d'aujourd'hui ne sont pas si dissemblables. Ce que les alliés ont, après la première guerre mondiale, imposé (en vain, du reste) à une Allemagne vaincue au nom de la morale, autrement dit le paiement des réparations, n'est pas très différent de l'exigence de remboursement intégral imposé aussi au nom de la morale à une Grèce qui a déjà connu une baisse d'un quart de son PIB (un record en temps de paix). En 1953, les créanciers de l'Allemagne avait fait preuve de solidarité et évité l'humiliation de 1919 par une restructuration de la dette. Le gouvernement grec ne demande rien d'autres aujourd'hui.

Nul doute que la Grèce acceptera un règlement « symbolique » de cette question si l'Allemagne favorise un règlement « raisonnable » du problème hellénique. Mais c'est seulement en soulevant cette question des réparations que la Grèce peut aujourd'hui, compte tenu de l'inflexibilité des Européens, de relativiser la « morale » affichée par les créanciers de la Grèce.

Dans le dialogue de sourd actuel, discuter n'est plus possible. En augmentant la tension par une demande immense, les Grecs peuvent donc espérer que l'Allemagne aura tout intérêt à éviter l'escalade sur cette question. Et donc à faire tomber la tension. Il ne s'agit donc pas de rouvrir des plaies, mais d'éviter d'en ouvrir de nouvelles. Sans prise en compte du problème de la dette publique, la Grèce restera longtemps un problème et un fardeau pour l'Europe. Acculé par l'inflexibilité européenne, le gouvernement grec doit contre-attaquer. Mais son but pourrait être de parvenir à un compromis acceptable, pas davantage. Ce dont les créanciers ne veulent pas entendre parler pour l'instant. Mais pour prendre conscience de certaines situations, un électrochoc est parfois nécessaire.

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MessagePublié: 08 Avr 2015 20:09 
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(BFM Business, 31 mars 2015)

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MessagePublié: 08 Avr 2015 20:12 
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James Turk : gros risque de défaut de la Grèce dans les 2 semaines
1 avril 2015

Vous l’avez remarqué, les médias dominants ne parlent plus de la Grèce depuis quelques jours. La raison de ce black-out est simple : Athènes est au bord du défaut de paiement comme l’a expliqué James Turk durant son dernier passage chez KWN du 31 mars.

« En Grèce, la situation se détériore rapidement et les conséquences sont loin de se limiter à l’euro. Vos lecteurs doivent se préparer en cas de mauvaise surprise sur les marchés dans les semaines à venir. La Grèce a disparu des écrans radars, des médias dominants, ils ne portent que très peu d’attention au fait que les caisses du gouvernement se vident rapidement. Les gros problèmes ont démarré le 31 mars.

La Grèce est en faillite

Athènes ne trouvera peut-être pas l’argent nécessaire pour faire face à ses obligations du mois. Mais même si elle y parvenait, un remboursement de 450 millions d’euros est dû au FMI pour le 9 avril. Mais ce n’est que le début, la Grèce devra ensuite franchir 2 obstacles qui semblent insurmontables.

2 émissions obligataires pour un total de 2,4 milliards d’euros arrivent à échéance le 14 et le 17 avril. La plupart de cette dette est détenue par les banques grecques qui préfèrent faire rouler ces obligations avec les fonds d’urgence obtenus auprès de la BCE plutôt que de demander le remboursement par l’État grec. Mais ces 2 émissions obligataires sont différentes, parce qu’au moins 500 millions d’euros sont dus à des investisseurs étrangers qui exigeront d’être payés.

Si la Grèce ne trouve pas l’argent ce serait le défaut, ce qui pourrait déclencher des clauses d’accélération de remboursement sur d’autres émissions obligataires. Ce scénario pourrait faire exploser le pays en plein vol et envoyer des ondes de choc à travers le globe. La BCE serait alors particulièrement ébranlée ainsi que ceux qui ont encore des dépôts dans les banques grecques. Mais je pense que la Grèce explosera avant le 14 avril.

La BCE a acheté aux banques européennes la quasi-totalité des émissions obligataires grecques qu’elles possédaient. Autrement dit, comme cela s’est passé après l’effondrement de Lehmann, il y aura une grande opération de sauvetage bancaire mais avec une nuance. Chypre est en fait une comparaison plus judicieuse parce que les pertes seront prises en charge par les épargnants et pas par l’ensemble des contribuables. Cette fois, les détenteurs d’obligations corporate des banques grecques pourraient devoir enregistrer des pertes, un scénario qui aurait des répercussions globales.

De nombreux gestionnaires de fonds ont acheté de la dette grecque à la recherche de rendement. Ce rendement élevé est évidemment assorti à un risque élevé. Ces gens ont pris le pari que la BCE empêchera l’effondrement de la Grèce mais aujourd’hui il semble que la BCE, le FMI et l’UE poussent la Grèce vers la faillite, un message que les Grecs perçoivent de plus en plus.

Accélération du Bank Run en Grèce

Le Bank Run que vit la Grèce est conséquent. Du pic des dépôts d’il y a 6 ans qui s’élevaient à presque 240 milliards d’euros, il n’y en a plus que 130 milliards aujourd’hui. Et environ 30 milliards ont quitté le système bancaire rien que durant ces trois derniers mois. Autrement dit environ 20 % des dépôts grecs ont quitté les banques durant le premier trimestre de l’année, preuve que ce Bank Run progressif n’est pas loin de se transformer en panique.

Les banques grecques dans la tourmente

Pendant des années, le gouvernement grec a gardé la tête hors de l’eau grâce à ses banques. Le gouvernement émettait des obligations à court terme qui étaient achetées par les banques grecques. Cet argent était dépensé aussi vite qu’il était reçu. De leur côté, les banques grecques utilisaient ces obligations en tant que garantie pour emprunter de l’argent à la BCE. Pour vous donner une idée de l’ampleur de ces emprunts, ils ont augmenté de plus de 10 milliards rien que le mois dernier pour atteindre aujourd’hui 70 milliards d’euros.

Les banques grecques n’ont pas emprunté cet argent à la BCE par choix mais plutôt par désespoir. Ils sont dans un cercle vicieux perdant des dépôts et chargés avec de la dette pourrie qui ne pourra être remboursée alors que l’économie grecque se désintègre, ce qui oblige la BCE à réagir.

La BCE va voler l’argent des épargnants

La seule méthode pour la BCE de se rembourser consiste à voler l’argent des épargnants, comme ce fut le cas à Chypre. Pour se protéger, la BCE ne laissera pas le montant des dépôts sur les comptes grecs fondre à des montants inférieurs à ce qui lui est dû. Et vu que les emprunts auprès de la BCE ne cessent d’augmenter et que les dépôts ne cessent de baisser, nous nous rapprochons rapidement du moment fatidique.

La BCE va débrancher la Grèce dans les 2 semaines

En conséquence, je m’attends à ce que la BCE débranche la Grèce dans les 2 semaines. Elle ne quittera pas l’euroà l’instar de Chypre mais Athènes va vivre un remake de ce qui s’est passé sur l’île d’Aphrodite.

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