Après la supervision, l'Europe s'attaque aux produits financiers dérivés :
La Bourse de Francfort, le 20 mai 2010 © AFP / DDP Martin Oeser Après la supervision financière, les Européens vont poursuivre leur offensive en matière de régulation en présentant mercredi, dans le sillage des Etats-Unis, des propositions pour mieux encadrer l'énorme marché des produits dérivés, accusé d'avoir aggravé la crise.
Poussée notamment par la France et l'Allemagne, qui lui ont demandé en juin d'accélérer ses travaux, la Commission européenne compte dévoiler deux projets législatifs, qui ont déjà filtré.
L'un vise à améliorer la transparence des transactions sur les produits dérivés au sein de l'UE, ces contrats financiers que s'échangent les investisseurs pour se couvrir contre des risques financiers liés à la valeur future d'un produit (taux de change, taux d'intérêt, unité de matière première...).
Ces marchés ont crû de manière exponentielle depuis une vingtaine d'années avec très peu de contrôles et s'échangent de gré à gré contrairement à ce qui se passe sur les marchés organisés de type actions et obligations.
Ils viennent d'être réglementés par les Etats-Unis, dans le cadre de la vaste réforme financière promulguée en juillet, avec l'obligation d'échanger tous les produits dérivés normalisés par le biais d'une chambre de compensation.
En Europe, Bruxelles veut obliger la plupart des produits échangés hors de toute régulation à passer aussi par des chambres de compensation: ces organismes assurent le bon déroulement des opérations, et jouent le rôle de fonds de garantie pour éviter le risque de faillites en cascade.
L'exécutif européen propose que les institutions financières soient désormais obligées de centraliser dans des chambres de compensation leurs opérations de gré à gré, une fois que les produits dérivés concernés sont déclarés "éligibles" par la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers (ESMA, European Securities and Markets Authority), dont la création est prévue par la réforme de la supervision financière.
Les Etats de l'UE se sont mis d'accord la semaine dernière sur cette réforme, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2011.
Les entreprises non financières qui réalisent des opérations sur des dérivés pour couvrir leurs risques de changes ou de taux d'intérêt ne seraient pas obligées, elles, de passer par des chambres de compensation, jusqu'à un certain seuil de transactions.
L'ESMA jouerait par ailleurs un "rôle clé" dans la supervision des chambres de compensation en Europe, souligne le projet de texte.
Dans une deuxième proposition, Bruxelles veut aussi mieux réguler les ventes "à découvert", qui permettent à des opérateurs de vendre des titres qu'ils ne possèdent pas encore, avec l'espoir de les racheter plus tard à un prix plus intéressant.
Les ventes à découvert "à nu", particulièrement spéculatives, permettent à l'investisseur de vendre à terme un actif sans l'avoir emprunté avant ou s'être assuré de sa disponibilité.
L'Allemagne a décidé en mai dernier de les interdire temporairement pour certains produits financiers, notamment les emprunts d'Etat de la zone euro, provoquant l'irritation de la France, qui avait refusé de suivre Berlin.
Dans son texte, Bruxelles propose d'obliger les opérateurs qui recourent aux ventes à découvert "à nu" sur les actions et les obligations d'Etat à donner des informations sur leurs positions de vente et à fournir des garanties qu'ils pourront délivrer ce qu'ils promettent.
Enfin, la Commission propose également de mieux encadrer les opérations sur les CDS ("credit default swap"), produits dérivés qui servent d'assurance contre le risque de défaillance d'une obligation d'Etat. Les pratiques spéculatives sur ce type de produits avaient été désignées pendant la crise grecque.
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