Dettes d'État : la BCE pointe le risque de bulle financière Par Alexandrine Bouilhet - 28/05/2014 Francfort redoute un retournement brutal sur le marché obligataire.La Banque centrale européenne (BCE) met clairement en garde les banques contre le risque de retournement sur le marché des dettes d'État de la zone euro, dans son rapport semi-annuel sur le risque de stabilité financière, publié mercredi. «Les préoccupations concernant la formation de déséquilibres et la possibilité d'une remise en cause brusque et désordonnée des flux d'investissement récents s'intensifient», avertit l'institution de Francfort.
Jamais les gouvernements de la zone euro n'ont emprunté si bon marché. Le regain de tension sur le marché obligataire constaté à la veille des élections européennes a été oublié. L'Italie, l'Espagne et le Portugal s'endettent à moins de 3 % à dix ans, du jamais vu depuis la création de l'euro! Malgré ses déboires économiques et politiques, la France s'endette à 1,7 % sur dix ans, au plus bas depuis 2000, si l'on exclut une fenêtre d'emprunt à 1,6 %, mi-2013.
En privé, les responsables de banques centrales s'inquiètent depuis plusieurs semaines du risque de retournement sur ce marché des dettes publiques, en raison d'une croissance plus faible, dans un contexte de ralentissement persistant en Chine et de crise en Ukraine. Une hausse des taux d'emprunt d'État serait risquée pour les gouvernements aux finances publiques les plus fragiles, comme la France ou l'Italie. Un crack obligataire serait également très dommageable pour les bilans des banques, premières acheteuses de dettes d'État. Mais les banques commerciales ont pris les devants en renforçant leurs capitaux propres depuis le troisième trimestre, un effort dont se félicite la BCE.
L'euro en baisseSi l'institution monétaire tire la sonnette d'alarme sur la bulle obligataire, qu'elle a elle-même nourrie en abreuvant les marchés de liquidités, c'est aussi et surtout parce qu'elle veut inciter les banques à prêter davantage au secteur privé au lieu d'acheter des obligations d'État. «La BCE redoute aussi que ces dettes très bon marché ne découragent les efforts de réformes en zone euro», indique Gilles Moec, de la Deutsche Bank. Du coup, la BCE serait réticente à se lancer dans une politique d'assouplissement quantitatif, qui reviendrait à racheter de nouvelles dettes d'État, en échange de création monétaire, ce qui ferait mécaniquement baisser les taux. Mario Draghi pencherait plutôt pour une baisse du taux directeur ou pour des injections de liquidités conditionnées au volume de crédits, comme cela se fait au Royaume-Uni.
Alors que l'euro baisse face au dollar, - il est à son plus bas niveau depuis 4 mois - l'assèchement du crédit aux PME dans le sud de la zone euro est au cœur des préoccupations de la BCE. En avril, les crédits au secteur privé ont continué de baisser de 1,8 %, après une baisse de 2,2 % en mars. Malgré cette restriction, et une croissance globalement décevante au premier trimestre, la confiance économique des consommateurs et des entreprises en zone euro est toujours en hausse en mai, portée par les signes de reprise, d'après l'indicateur de la Commission européenne. En Grèce, la confiance est au plus haut depuis six ans. Elle augmente dans les principales économies de la zone, à l'exception notable de la France, où la confiance générale est en repli.
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