La protection des métaux précieux – Partie 6 (et fin)
Le sujet du jour : les contacts entre métaux
Résumé des épisodes précédents (à apprendre par coeur) :
- l'or, le platine et le palladium ne risquent rien dans les conditions ambiantes
- l'argent n'aime pas l'oxygène de l'air
- le cuivre non plus (il devient précieux dès qu'il entre dans un jaunet !)
- et il faut prendre garde à éviter l'humidité pour ces deux derniers
Jusque là, fastoche : un boite hermétique, au sec et tout va bien.
C'est vrai, mais il y a quand même un petit bémol : les contacts entre métaux différents peuvent conduire à des surprises.
Imaginez la scène : notre collectionneur a rempli, comme il le fait tous les jours, sa baignoire de ses différents trésors : des pièces et des médailles de toutes les tailles, de toutes les époques, de tous les métaux et de tous les alliages (or, argent, cuivre, étain, bronze ..).
Mais, aujourd'hui, c'est trop : sous l'effet d'une telle débauche de bonheur, dans laquelle il se vautre avec frénésie, une fuite humide (dont je tairais la nature précise) lui échappe.
Malheur ! Désastre !
Pourquoi ?
C'est très simple. Pour mieux comprendre, revenons en arrière dans le temps : en 1800 précisément.
C'est l'année où Mr Volta inventa le première pile électrique (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pile_voltaïque). Cette objet s'est vu appelé « pile » tout simplement parce qu'il est constitué d'une pile de disques en métal séparés par des rondelles de tissus imprégnés d'une solution conductrice (solution de sel ou d'acide). Le point fondamental de la chose est le suivant : cette pile est constituée par un empilement alternatif de disques de deux métaux différents (zinc et cuivre).
Que ceux qui ont pensé que ces deux métaux et la solution qui les séparent avait des potentiels rédox différent lèvent la main : ils ont compris le principe.
Pour faire plus pédagogique, allons voir la pile Daniell, plus proche de ce que l'on utilise aujourd'hui (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pile_Daniell). Comme nous l'avons vu plus haut, une réaction redox se résume simplement au braquage d'un ou plusieurs électrons à un réducteur par un oxydant.
Ici, nous avons les couples suivant en présence :
Cu2+ / Cu : + 0,34 V
Zn2+ / Zn : - 0,76 V
Dans la pile, nous avons toutes les espèces en présence (Zn, Cu, Zn2+ et Cu2+). Notre maîtrise des potentiels redox nous indique que la réaction qui va se produire sera la suivante :
Cu2+ réagira avec Zn pour donner Zn2+ et Cu
En gros, le zinc métallique va passer en solution (il va être oxydé sous forme d'ions Zn2+ solubles) et les ions Cu2+ seront réduits et vont se déposer sous forme de cuivre métallique.
L'idée géniale de la chose, c'est que par une astuce technique, on fait passer les électrons à l'extérieur du système, dans un fil, ce qui nous permet de récupérer du courant électrique. La tension d'une telle pile est de 0,34 - (-0,76) = 1,10 Volts.
Encore un détail : ce montage est réversible, si on a consommé la moitié (par exemple) du zinc et que l'on branche ce système « à l'envers » sur une source de courant, il se produit la réaction inverse et on revient comme au départ (en gros, nous venons d'inventer la pile rechargeable).
Revenons à notre avare. Qu'a-t-il fait ? Il a introduit une solution conductrice dans un superbe mélange de métaux présentant des potentiels redox variés : il a créé sans le savoir une ribambelle de piles qui se mettent naturellement à débiter dans tous les sens (ne cherchez pas, il n'y a pas de contrepèterie).
C'est de là que vient la catastrophe, car souvenez vous, dès qu'une pile débite, un des deux métaux la constituant est oxydé et passe en solution. Horreur !!!!
Du haut de leurs couples redox élevés, l'or, le platine et (à mon avis) le palladium ne risquent rien.
Par contre, les autres métaux et alliages (argent, cuivre, zinc, étain, bronze, fer ...) vont se faire dévorer par le grand méchant redoxmitaine. C'est moche.
Un dernier mot pour la fin : certains peuvent penser qu'après tout, ce n'est pas grave si la boite en fer dans laquelle sont enterrés les naps fleur de coin se fait dévorer puisque les rondelles ne risquent rien. Erreur ! Elles risquent de se retrouver couvertes d'un oxyde métallique profondément incrusté qu'il sera très difficile à éliminer sans abîmer la pièce.
Conclusion de ce petit périple dans l'oxydo-réduction : conserver ses pièces et médailles dans une boite hermétique, séparer les différents métaux, et surtout, pas de trace d'eau (ni de produits corrosif, bien sur).
Ceci dit, à mon avis, si on conserve ses métaux dans un local d'habitation (température et humidité normales), tant qu'on ne les mouille pas, il ne doit rien se passer de fâcheux. Par contre, dès que l'on s'éloigne de ces conditions pour les enterrer, ou les murer ou quoi que ce soit d'autre ... (l'anus peut être une bonne alternative, néanmoins, on n'oubliera pas de noter que c'est une solution temporaire, pour ne pas dire transitoire), il convient de bien réfléchir à leur sécurité sur le long terme.
Voilà, j'espère que tout cela vous a intéressé, à défaut de vous avoir été utile.
Il y a beaucoup d'autres choses à dire sur le sujet (par exemple, savez-vous que l'on fixe des blocs de zinc sur la coque des navires ? Par un effet redox, ce sont eux qui se dissolvent dans l'eau de mer plutôt que la coque en acier), mais il faut savoir s'arrêter un jour.
J'ai quelques jaunets que je trouve un peu cracra, aussi je fais actuellement des essais de nettoyage non destructifs. Je vous tiendrai au courant.
Fred92
A suivre ...