Posté le 16 novembre 2013 par Bcolmant
De l'inflation de Trichet ... à la déflation de Draghi
Les-tontons-flingueurs_blier-casqueLa récente baisse du taux de la BCE reflète l'insuffisance d'inflation.
Certains parlent même de risque de déflation…ce qui est saumâtre quand on pense que la BCE a été bâtie sur le postulat de maitriser l'inflation.
A cet égard, on se souvient des hausses de taux d'intérêt mise en œuvre par Jean-Claude Trichet en 2011 au motif que la vigilance s'imposait contre l'inflation… sans savoir s'il faut aujourd'hui en rire ou en pleurer.
Mais la véritable appréhension porte sur un scénario beaucoup plus grave : le piège de la liquidité. Cette expression est tirée de la théorie générale de Keynes.
C’est un véritable traquenard dans lequel l’économie tombe lorsqu’une banque centrale injecte des liquidités dans l'économie sans parvenir à relancer la croissance. Les agents économiques absorbent les liquidités, les thésaurisent et ne les dépensent pas. Cette baisse de la consommation a un effet négatif sur les entreprises, la production et l’emploi.
Cette situation est caractéristique d’économies qui sont entrées dans un cycle déflationniste, proche de la récession. D’ailleurs, le piège de la liquidité se manifeste quand le taux d'intérêt est proche ou égal de zéro, ce qui est actuellement le cas.
Ce piège de la liquidité se conjugue au paradoxe de l’économiste anglais David Ricardo (1772-1823). Selon ce dernier, il y a une équivalence entre une augmentation de la dette publique et une augmentation de l’épargne en prévision de hausses d’impôts.
Si les agents économiques voient la dette publique augmenter, ils vont épargner pour absorber des hausses d’impôts futures plutôt que de consommer afin de relancer la croissance économique. En d’autres termes, les personnes physiques contrarient les politiques de relance en économisant plutôt qu’en consommant.
C’est exactement à ce quoi on assiste probablement en Belgique quand on constate l’augmentation stupéfiante des encours en carnets d’épargne, malgré un taux d’intérêt proche de zéro. Que faire, dès lors, lorsque plus rien ne relance l’économie et qu’il faut inciter les particuliers à consommer ? Keynes recommandait d’utiliser le levier budgétaire afin d’agir directement et positivement sur la dépense des ménages, au travers de transferts sociaux et de baisses d’impôts.
Selon Keynes, il faut donc augmenter temporairement les déficits et dettes publiques. Mais alors, il y a une contradiction flagrante dans le langage politique : pourquoi préconiser des retours à l’équilibre budgétaire lorsqu’il faut justement accroître temporairement les déficits pour relancer l’économie ?
De plus, la réduction des déficits est presque impossible à mettre en œuvre dans une économie sans croissance. L’austérité ou la rigueur risquerait de faire suffoquer toute reprise et de susciter des troubles sociaux. Si la relance budgétaire échoue, il faut alors passer à une injection de monnaie.
Mais, à nouveau, il y a une grave ambiguïté. En effet, cette injection monétaire est contradictoire avec la discipline monétaire qui cimente la formulation de l’Euro. Les créations monétaires conduisent toujours à de l’inflation, ce qui est rejeté par les Allemands et combattu par la Banque Centrale Européenne.
Quand on regarde la situation économique européenne, tout n’est plus que contradictions.
Et le plus grave, c’est que la marge de liberté de nos gouvernants est devenue infinitésimale. En effet, nous entrons dans un scénario de combinaison d’un manque de croissance et d’un endettement public excessif, combiné à une hétérogénéité croissante des économies de la zone Euro.
C’est cette ambiguïté qui nous conduit à l’intime conviction que la solution passera par la poursuite d’une importante création monétaire au prix d’une éventuelle inflation qui devra être gérée, faute de quoi des effacements de dettes devront être considérés.
D’ailleurs, l’inflation permet de s’extraire du piège de la liquidité. En effet, si les biens coûtent de plus en plus cher, la thésaurisation à des taux d’intérêt très bas dévitalise la consommation, tandis que l’inflation la stimule.
Bien sûr, cette anticipation d’inflation est contraire à la rigueur budgétaire. Mais le problème de l’endettement public n’a pas été créé par la crise : il lui est préalable. Il ne faut pas utiliser une crise pour régler un problème qui lui est antérieur. Ceci explique la volonté des autorités monétaires de garder les taux d’intérêt bas et d’inonder les économies grippées d’une abondance de liquidité.
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