Tsipras : Athènes veut « le retrait » de la proposition « absurde » de ses créanciersLes Echos - AFP - Le 05/06/2015Devant le Parlement grec, et à destination de son opinion publique, le Premier ministre a tenu un discours musclé en rejetant le plan de réformes de ses créanciers.
Après avoir assuré à ses créanciers, mercredi à Bruxelles, que la Grèce honorerait ce vendredi le remboursement des 300 millions d’euros dûs au Fonds monétaire international, puis changé d’avis à peine rentré à Athènes , en annonçant que son gouvernement avait demandé au FMI -qui en a pris immédiatement acte- de payer l’ensemble de ses échéances de juin (soit 1,6 milliard d’euros, en une seule fois... à la fin du mois), le Premier ministre s’en est expliqué vendredi après-midi devant son Parlement réuni en session extraordinaire. Sur un mode très politique à destination de ses électeurs et d’une aile gauche de son parti Syriza de plus en plus inquiète des risques de compromis face aux exigences de l’ex-Troïka.
ContradictionsDe manière quelque peu contradictoire, Alexis Tsipras a ainsi affirmé que la conclusion d’un accord entre Athènes et ses créanciers (Union européenne et FMI) pour assurer la survie financière du pays est « plus près que jamais » ... tout en soulignant les divergences qui les opposent, et en rejetant le plan « absurde » proposé à Athènes par ses bailleurs. Tout accord devra inclure une clause « sur la viabilité de la dette grecque » qui « donne une solution définitive à l’incertitude », a-t-il affirmé, en appelant les créanciers « à retirer la proposition absurde » des mesures budgétaires qui lui ont été soumises, mercredi à Bruxelles, par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. « Le peuple grec nous dit : n’abandonnez pas vos demandes raisonnables. Ne cédez pas aux requête déraisonnables », a t-il justifié. Basée sur des contraintes budgétaires moins fortes, la proposition grecque est « la seule réaliste », a-t-il assuré.
Il a toutefois pris soin d’appeler en parallèle les parlementaires de tous les partis, à soutenir « l’effort national » du pays pour conclure un accord avec les créanciers et « clarifier s’ils acceptent ou rejettent » la proposition d’accord des créanciers. « C’est l’heure de responsabilité », a martelé Alexis Tsipras tentant de gagner « le consensus » du Parlement.
Le cas grec sera un des sujets de discussion durant la réunion du G7 dimanche et lundi en Allemagne à laquelle participent Angela Merkel, François Hollande, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la directrice générale du FMI Christine Lagarde. Mais aucune nouvelle rencontre n’est prévue entre Alexis Tsipras et les créanciers de la Grèce avant mardi prochain -après le G7- ont indiqué, vendredi, plusieurs sources européennes à Bruxelles.
=> LES POINTS DE BLOCAGE ENTRE LA GRECE ET SES CREANCIERS :A l’issue de quatre mois de négociations, les points de blocage entre Athènes et ses créanciers se concentrent sur le coût pour les Grecs des économies budgétaires et le régime des retraites, avec en arrière fond la question, non résolue, de la viabilité de la dette.
- Combien de milliards d’euros à dégager, et comment ?L’UE et le FMI demandent à Athènes de trouver 3 milliards d’euros en 2015, afin d’atteindre un excédent budgétaire primaire (hors intérêt de la dette) de 1% du PIB en 2015, à porter à 3,5% en 2018. Parmi les outils pour y parvenir, une réforme des taux de TVA, à 11% pour médicaments, alimentation et hôtellerie, et 23% pour le reste. Trop cher pour les Grecs plongés dans une « crise humanitaire », rétorque le gouvernement grec, qui propose un solde de 0,6% du PIB en 2015, là aussi porté à 3,5% en 2018. De quoi permettre une TVA plus ajustée socialement. En contrepartie, Athènes prévoit notamment d’augmenter les impôts pour les revenus supérieurs à 30.000 euros par an et de taxer les licences télévisuelles.
- Comment combler le trou du système des retraites ?Pour les créanciers, le régime de retraite grec doit être mis à l’heure du « zéro déficit », via des coupes dans les dépenses de 450 à 900 millions d’euros en 2015 et de 1,8 milliard en 2016. Ils prescrivent de limiter les retraites anticipées, de faire payer plus cher les soins de santé aux retraités et de supprimer une prime de soutien à ceux touchant moins de 700 euros par mois de pension. Pour le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, ces mesures ne peuvent « constituer des bases de discussions ». Athènes veut renvoyer le « zéro déficit » à 2017 dans l’attente d’une grande réforme de fond en cours d’élaboration. Un seul point d’accord : « l’unification des caisses de retraites », selon le gouvernement.
- Comment sortir de la dépression économique?En matière de marché du travail, que les créanciers veulent déréguler davantage, les divergences se sont réduites. Reste à régler la question du rétablissement des conventions collectives abolies sous pression de l’UE et du FMI. Alexis Tsipras s’y est engagé, mais les créanciers l’excluent pour 2015. Sur les privatisations aussi, les positions se sont rapprochées, Athènes convenant désormais d’en faire un instrument de croissance. Un compromis se dessine pour la cession au privé des ports et aéroports, mais la Grèce refuse les privatisations dans l’électricité.
- Et la dette ?La Commission européenne la prévoit à 180% du PIB pour 2015, un niveau jugé insoutenable. Pour la Grèce, qui souhaite sa restructuration, « la signature de l’accord dépend d’une solution sur la dette ». La zone euro s’était engagée à en discuter en 2012, une fois le budget grec en excédent primaire, mais elle a reculé une fois ce solde passé au vert, en janvier 2014.
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