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Dans un de ses derniers papiers Dylan Grice, analyste à la Société Générale, définit ainsi l'évolution des mentalités dans une crise financière :
''...the first is denial that there is a problem; the second is denial that there is a big problem; the third is denial that the problem was anything to do with us.''.
''... la première étape est de nier qu'il y ait un problème, la deuxième de nier qu'il y ait un gros problème, la troisième de nier que l'on puisse être à l'origine du problème.''.
Madame Lagarde n'y fait pas exception, voire est un modèle du genre, ce qui rend particulièrement ridicule sa répartie aux propos populistes du comédien-sportif Cantona (ou sportif-comédien comme vous le sentez. En fait, sportifs et comédiens font parties de la grande famille des amuseurs). Demandez de laisser aux seuls crânes d'oeuf en économie le droit de prononcer un avis sur un sujet qui intéresse tous les citoyens n'est pas raisonnable. Les excellentes anticipations de madame Lagarde parlent pour elle.
En septembre 2008 le site 20 minutes proposait un petit florilège des pensées profondes de la reine Christine : ''Crise financière: Christine Lagarde, un an de méthode Coué ... ''
Pour ma part je le complète par ces quelques extraits choisis :
Le Parisien – Interview du 17 août 2007 :
il faut raison garder, ce n'est pas un krach.
Les Echos.fr - Le 22 octobre 2007
La crise financière sera compensée par les mesures sur les heures supplémentaires et les autres mesures engagées par le gouvernement, a-t--elle déclaré à l'occasion d'un point presse .
Christine Lagarde, 20 septembre 2008
« Le gros risque systémique craint par les places financières est derrière nous.''
Le Point.fr - Publié le 02/05/2010 à 17:25
La ministre française a toutefois minimisé les risques de contagion de la crise à d'autres pays, estimant que la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et les autres sont des cas différents. La Grèce est vraiment particulière, a-t-elle insisté, rappelant qu'il y avait eu probablement beaucoup de laxisme et des chiffres erronés dans le passé.
La Tribune.fr - 18/11/2010 à 09:59
Christine Lagarde : Il n'y a pas de risque d'éclatement de la zone euro
Mon commentaire sur cette pensée profonde : Lisez cet article révélant le coup de force d'Angela Merkel qui a menacé les ''responsables'' européens d'une sortie de l'Allemagne de l'Euro : Angela Merkel warned that Germany could abandon the euro1.
http://www.guardian.co.uk/world/2010/de ... andon-euroOu bien encore Luis Amado, ministre portugais des Affaires étrangères: Le Portugal évoque une sortie de l'euro
http://www.lexpansion.com/economie/le-p ... 42479.htmlPlus récemment elle déclarait :
JDD 29/11/2010 :
Aller raconter que la France est menacée, c'est racoleur mais je ne pense pas que ce soit économiquement juste.
1/12/2010:
Christine Lagarde répète aussi que la France a ''un système bancaire solide et bien plus régulé qu'avant la crise. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison d'avoir de la défiance vis-à-vis d'elles''.
Sur ces deux points faisons ensemble l'exercice pour comprendre ce qui a mené madame Lagarde a une affirmation aussi péremptoire. Connaissant son palmarès sur les trois années passées cette démarche risque de tourner à la formalité.
L'exercice est facile, il s'appuie sur le dernier rapport trimestriel de la Banque des Règlements Internationaux (BRI).
http://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1009.htmDans ce rapport vous trouverez en pages 15 et 16 les chiffres des engagements créditeurs des banques françaises vis-à-vis des pays de la zone Euro et en particulier vis-à-vis des pays qui aujourd'hui défraient la chronique, à savoir la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne. Pour vous en faciliter la lecture j'ai présenté les données différemment (mais ce sont les mêmes).
Fig1.
Qu'y voit-on ?
Tout d'abord l'explication de l'agitation sans précédent déployée par notre président pour le sauvetage de la Grèce. Avec un engagement d'une part de plus de 44 milliards de dollars (environ 33 milliards d'euros) dans le secteur privé grec et d'autre part de 27 milliards de dollars dans les obligations de l'État grec, sans oublier, cerise sur le gâteau, les 40 milliards de produits dérivés et autres babioles, les banques françaises arrivaient largement en tête des banques européennes dans cette panade et se préparaient à boire la tasse sans l'intervention des gouvernements.
Le dossier grec à peine bouclé voici venir le tour des irlandais. Dans celui-ci les banques françaises n'étaient plus en première ligne, même si l'addition aurait pu être bien salée. Les plus exposés sur ce dossier sont les allemands, les britanniques et ..... les américains. Les banques britanniques avaient encore en bouche le goût amer de l'ardoise islandaise, et les américains celui des ardoises de 2008 et de 2009. Là encore les allemands ont dû céder et mettre la main à la poche des contribuables.
Aujourd'hui madame Lagarde nous dit que nos banques sont solides. Pourtant ces mêmes banques, qui tremblaient à la nouvelle de la faillite grecque ou de l'effondrement irlandais, ont un engagement dans le secteur privé espagnol qui représente près du double de l'engagement qu'elles avaient dans les secteurs privés grec et irlandais, soit 152,8 milliards de dollars auquel il faut ajouter 44,4 milliards de produits dérivés divers. Mais quel risque courent-elles ces banques françaises chargées en produits ibériques ?
Pour y répondre il vous suffit de retourner dans ce tableau pour y constater que les banques espagnoles détiennent à elles seules plus de 20% de la dette publique portugaises, près de 50% de la dette privée portugaise et plus de 25% des produits dérivés portugais. À votre avis, le risque de voir l'Espagne touchée à son tour, en cas de défaut du Portugal, est-il faible ou fort ?
On comprend mieux l'intervention de cette grosse main2 sur les taux portugais en fin de semaine dernière. Le Portugal doit tenir !
Fig2.
Enfin pour terminer, vous noterez que les banques américaines sont engagées à hauteur de 186,3 milliards de dollars sur l'Espagne dont un peu plus de 124 milliards en produits dérivés.
Ceci fait de l'Espagne une vraie bombe ... dont le détonateur est le Portugal.
En fait, madame Lagarde le sait pertinemment. On ne peut pas être dans ce genre de costume et se tromper sans cesse. Mais les hommes et des femmes politiques sont désormais persuadés que les citoyens qui les paient sont trop idiots pour savoir la vérité. Tant qu'ils persisteront dans cette voie il y aura des wikifuites (leaks=fuites) et ils porteront la responsabilité de la montée en puissance du populisme et de ses formes les plus dévoyées.
Toute l'attention est aujourd'hui focalisée sur l'Europe et ses turpitudes, rassurez-vous je vous parlerai prochainement de celles des municipalités et des états américains qui sont pour une grande majorité en état de cessation de paiement. Mais ce sera une autre fois ...
Fig3. S&P Municipal Bond Performance Indices
En attendant surveillez le détonateur ! Peut-être nous laissera-t-il passer Noël en paix.
Bonne semaine à toutes et à tous
(1) Lire le démenti publié après la publication de mon commentaire. Chacun l'interprétera comme il l'entend.
http://www.reuters.com/article/idUSTRE6 ... 0025310:z0(2) : Cette grosse main est celle de la BCE qui a annoncé qu'elle allait acheter de la dette des pays PIGS et vendre celle des pays plus vertueux. L'effet escompté (et constaté vendredi) : baisse des taux des PIGS et hausse des taux des autres.