La protection des métaux précieux – Partie 5
Le sujet du jour : l'oxydation par voie humide
Si vous avez bien suivi jusque là, ce sera très simple.
Comme nous l'avons vu, l'argent est susceptible d'être spontanément oxydé par l'oxygène de l'air. Nous l'avons tous constaté, les pièces (ou les couverts) en argent se ternissent à la longue. C'est inévitable, la seule protection, c'est de stocker ce métal dans un récipient hermétique. Une fois tout l'oxygène contenu dans le récipient consommé, l'oxydation stoppe (cependant, l'herméticité parfaite est quasi utopique).
L'or, le platine et le palladium sont insensibles aux assauts de l'oxygène dans les conditions de température et de pression habitielles. Au moins, nous sommes tranquilles. Ceux-ci ne sont attaqués que par l'eau régale (essentiellement) : un mélange d'acide nitrique et d'acide chlorhydrique. C'est un cocktail à la fois très acide et très oxydant (ne pas y mettre les doigts !). Ainsi, dans des conditions habituelles de stockage, ces métaux ne craignent rien (cool, non ?).
Or, nous vivons dans une atmosphère constituée, entre autre, d'oxygène et d'eau (il y a toujours de l'eau sous forme gazeuse dans l'air, même au fin fond des déserts chauds). Je ne tiens, bien sûr, pas compte des oxydes d'azote, des sulfures et autres Tchernobyleries présentes à d'infimes quantités (du moins, je l'espère) dans l'air pur que respireront nos chers enfants. Et il faut aussi tenir compte que nos métaux peuvent tout simplement être accidentellement mouillés.
Nos chères piécettes sont aussi exposées à d'autres ravageurs : nous-mêmes. Que ce passe-t-il lorsqu'on les tripote, les compte, les recompte, les empile, les caresse ... ? Nos petits doigts affectueux vont déposer à leur surface un cocktail de différentes substances : de l'humidité, des minéraux, des acides gras (via la sueur) ou des résidus de crottes de nez, voire pire si nos hémorroïdes nous ont démangé quelques instants avant.
Nous allons donc considérer que nos jaunets et autres lingots sont exposés à un milieu aqueux légèrement acide. Et c'est là que nous retrouvons nos concepts de couples redox.
Vous vous souvenez ? Ces trucs qui vous permettent de briller en société sans être contraint de vous gaver de cirage. Ce qui fait que dès que vous ouvrez la bouche pour en parler, les femmes, rendues hystériques, arrachent frénétiquement leurs vêtements pour se précipiter sur vous. Attention, qu'on ne me taxe pas de sexisme, ça marche aussi dans l'autre sens. Les femmes qui ont essayer pourront en témoigner : dès qu'elles parlent des couples redox, des hordes de chippendales dénudés se pressent pour leur baiser les pieds, et plus, si affinités. Bref.
Revenons à nos moutons : les couples redox.
Rappel :
Au3+ / Au : + 1,50 V O2 / H2O : + 1, 23 V Pt2+ / Pt : + 1,20 V Pd2+ / Pd : + 0,99 V Ag+ / Ag : +0,80 V Cu2+ / Cu : + 0,34 V H+ / H2 : 0,0 V Sn2+ / Sn : - 0,14 V Zn2+ / Zn : - 0,76 V
Nous voyons quelques petits nouveaux, en particulier H+ et O2. Pour faire simple, H+ c'est de l'acide, car en solution aqueuse les acides libèrent des ions H+ (nous éviterons d'entrer dans les considérations « d'activité thermodynamique » car elles m'ont déjà fait beaucoup souffrir durant mes études).
Que nous disent les valeurs des couples redox ? L'or, le platine, le palladium, l'argent, le cuivre sont insensibles aux attaques des acides. Attention, je précise : si vous mettez de l'argent dans de l'acide acétique (en français : du vinaigre), il ne doit (théoriquement !) rien se passer. Par contre, si vous mettez de l'argent dans de l'acide nitrique, il s'y dissoudra car l'acide nitrique (HNO3) est un acide, mais aussi un oxydant puissant (NO3+ / NO : + 0,96 V et NO3+ / NO2 : + 0,84 V) qui va attaquer le métal. Attention (bis) : les considérations énoncées ici sont valables pour « la vie courante », si vous trempez du palladium dans de l'acide sulfurique bouillant, ce sera une autre paire de manches ! J'ai mis aussi l'étain (Sn) et le zinc (Zn) pour info (alliés au cuivre, ils constituent le bronze et le laiton). Leurs valeurs redox indiquent clairement qu'ils seront attaqués sans pitié par un acide.
Que déduisons nous de tout cela ? Que nos métaux les plus précieux sont inaltérables ! Youppie ! Allelouia ! Le monde est beau, le monde est merveilleux ! Champagne pour tout le monde ! Qu'on nous mène aux chaudasse ! Débouchez les bières et roulez les pétards ! Stop ! Arrêtez pauvres fous. Car le monde est en réalité triste et laid. N'avez vous pas remarqué O2 / H2O en embuscade à + 1,23 V ? Car il y a toujours un peu d'oxygène dissout dans l'eau et qui va, à l'aide de quelques H+ (il y en toujours aussi dans l'eau) se régaler de nos métaux. Bien sûr, me direz vous, on a toujours besoin d'un peu d'oxygène pour respirer, mais que valent nos misérables existences comparées à nos précieux métaux ?
L'or est à l'abri (du haut de ses + 1, 50 V).
Pour le palladium et le platine, il y a un risque potentiel. Mais, si mes souvenirs sont bons, en cas d'oxydation (très difficile pour ces deux métaux) une couche infime d'oxyde créé une barrière infranchissable à la surface du métal et les mets à l'abri. Dans le cas du platine, il y a oxydation vers 600 °C dans l'oxygène avec création d'oxyde qui se vaporise à cette température (et ne protège donc plus le métal du contact avec l'oxygène). Autant dire qu'à la maison, on a un peu de marge.
Le cuivre, par contre sera attaqué (il se couvrira de vert de gris). Pourquoi parler du cuivre ? Il n'est pas si précieux. C'est vrai, mais il entre dans l'alliage des jaunets et, à ce titre, il peut nous poser problème. Si quelqu'un a déjà remarqué des traces vertes ou bleues sur ses pièces, cela vient de l'oxydation du cuivre sous l'action conjuguée de l'oxygène et de l'eau.
Je ne sais pas quel est le métal qui est allié à l'argent pour nos amis Hercules, mais il serait intéressant de se renseigner.
Conclusion de tout cela : il est impératif de conserver ses métaux précieux à l'abri de l'air et à l'abri de l'humidité. Ce qui n'est, somme toute, pas bien compliqué !
Dans notre prochain épisode, nous parlerons des contacts entre métaux. Certains peuvent avoir l'idée de rassembler toutes leurs piécettes dans la même boite (tous les métaux se touchent). C'est une très mauvaise idée qui peut s'avérer très destructrice.
Pour la petite histoire, on peu différencier une pépite d'or d'une pépite de cuivre en les mettant dans de l'acide nitrique. Avec l'or, aucune réaction. Avec le cuivre, réaction avec dégagement de vapeurs rousses (oxydation de Cu, réduction de NO3+ en NO gazeux puis réaction de NO avec l'oxygène de l'air). Il est possible de « passiver » la surface du cuivre de telle sorte qu'aucune réaction ne se produise. Par contre, il suffit de toucher le morceau de cuivre passivé avec un bout de cuivre ordinaire dans l'acide nitrique pour dépassiver instantanément tout le cuivre et provoquer un fort dégagement gazeux. Cette astuce est bien connue et les acheteurs de pépites se méfient. On peut faire de fausses pépites d'or en jetant du cuivre fondu sur du sable, il suffit ensuite de les passiver. Ceux qui s'amusent à ce petit jeu (dans les mines au fin fond de l'Afrique) récoltent en général du plomb.
Fred92
A suivre ...
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Léonid BREJNEV (humoriste involontaire)
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