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Tradosaure
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 Sujet du message: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 20:52 
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L'ANALYSE MONETAIRE DES MISERABLES DE VICTOR HUGO
OU L’ARGENT DANS LES ANNEES 1820-1832

par Yves BRUGIERE
Vice-Président du Cercle numismatique de Nice

(retrouvez le texte intégral illustré de cet article dans les Annales 2002 du Cercle numismatique de Nice)

Les informations à caractère monétaire extraites de l’œuvre de Victor Hugo permettent d’avoir une idée assez précise des aspects financiers de la vie de la première moitié du XIXème siècle.

I LES ASPECTS MONETAIRES DE LA VIE QUOTIDIENNE AU TEMPS DES MISERABLES

L’œuvre Les Misérables nous rappelle que l’homme doit constamment s’adapter aux évolutions monétaires et a souvent un temps de retard dû aux habitudes du passé. L’emploi d’appellations monétaires désuètes le prouve. Le roman reflète les difficultés d'adaptation au système décimal issu de la Révolution.


A / Les appellations monétaires

Le sou

Le sou est l’un des mots majeurs des Misérables. Il est à lui seul le synonyme de la misère. En voyant Jean Valjean, la mère Thénardier lance : « Qu’est-ce que c’est que cet homme là ? ça n’a pas le sou pour souper ». Le terme de sou finit par contenir des accents pathétiques : «Une vieille femme enseigna à Fantine l’art de vivre dans la misère ; on ne sait pas tout ce que certains êtres faibles savent tirer d’un sou ». Les pauvres sont sans le sou. Le sou est l’aumône de base, le remède contre la mort imminente: « Bonjour bonhomme, dit résolument Jean Valjean (à Javert déguisé en mendiant) en lui donnant un sou ».

Pourtant, cette dénomination est désuète en 1832. Le système monétaire décimal issu de la révolution française a en effet abandonné les sols au profit du centime et du franc. En pratique, après l’avatar de la cinq centimes au petit module qui n’a pas dû connaître un grand succès, les sols de cuivre pur de Louis XVI, qui pesaient 12 grammes et valaient 12 deniers tournois, ont été remplacés par la pièce de cinq centimes au grand module, d’un poids de 10 grammes gravée par Dupré. Celle-ci, a été émise à 140 millions d’exemplaires de l’an 5 à l’an 9,. Ces monnaies n’ont plus eu de successeur jusqu’à la cinq centimes Napoléon III de 1852. Il en est de même pour la pièce de un décime.


Le public a continué a appeler ces pièces des sous, ce terme désignant ainsi une pièce de cinq centimes. Ces pièces ayant circulé jusqu’en 1856 étaient quotidiennement maniées par le public. On les retrouve aujourd’hui dans des états d’usure extrême.

Le terme de sou est également l’unité de compte des petites transactions. Les petites gens se sont habitués à compter jusqu’à cent à partir de cet étalon qu’ils connaissent bien depuis les sols de l’ancien régime.

La pièce de un franc est ainsi une pièce de vingt sous. Après que la mère Thénardier se soit aperçue que Cosette avait perdu la pièce de quinze sous, Jean Valjean feint de découvrir la pièce sous la table : « Voici, reprit-il en se relevant. Et il tendit une pièce d’argent à la Thénardier. Oui, c’est cela dit-elle. Ce n’était pas cela car c’était une pièce de vingt sous ».
La pièce de quinze sous est la pièce de quinze sols Constitution à l’effigie de Louis XVI frappée en 1791 et 1792. Cette pièce est signalée à deux reprises: « elle fouilla dans un tiroir où il y avait des sous, du poivre et des échalotes. Tiens, Mamzelle Crapaud, ajouta-t-elle en revenant, tu prendras un gros pain chez le boulanger: voilà une pièce quinze sous ». Puis lorsque Cosette se penche pour puiser l’eau: « la pièce de quinze sous tomba dans l’eau. Cosette ne la vit ni ne l’entendit tomber ». Cette pièce nous rappelle que les espèces anciennes côtoyaient les espèces nouvelles tout au long de la période 1800-1860.


La suite:

http://asso.proxiland.fr/cnumisnice/default.asp?a=11769

Bonne lecture.


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 21:50 
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Donc "Trois Francs six sous" faisait 3F30

Intéressant

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Quand je vois un mec qu’ a pas de quoi bouffer et qui va voter, ça me fait penser à un crocodile qui se présenterait dans une maroquinerie


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:07 
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le sou est en base cinq ... que l'on retrouve dans d'autres système monétaires
le duro = 5 pesetas (espagne) et dans le belga = 5 francs belges

rien avoir avec le systeme anglais, qui est très bizarre 4 fartings = 1 pence , 12 pences = 1 schilling , 20 schillings = 1 livre et 21 schillings = 1 guinée

bizarre, bizarre

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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:20 
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Non

12 pence = 1 schilling et 20 pence = 1 livre.
Avant la révolution:
12 deniers = 1 sol et 20 sols = 1 livre !!!

C'était pareil me semble-t-il

Idem pour la Savoie et Genève (quoique plus compliqué)


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:22 
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Super intéressant, merci.

Sur le sujet, le Franc VIII donne quelques infos. Il dit en substance que le franc reprend la livre, mais en la passant au système décimal : c'est à dire qu'au lieu d'avoir des pièces de 3 et 6 livres, on passe à 5 francs. Et on a des 5 centimes et des décimes au lieu d'avoir des sols.

Quelques autres remarques :
- pendant tout le début de la révolution, il n'y a eu que les pièces en centimes (et même plutôt en décimes). Souvent frappées à partir du bronze des cloches démontées et fondues suite à la démolission des biens de l'église. Ensuite (tardivement), la pièce de 5 francs en argent, qui devient une forte référence, comme le prouve ce texte. Les pièces en or (20 francs d'abord) ne sont réapparues qu'avec Napoleon (premier consul, mon cul, c'était la fin de la révolution ; autrement dit la révolution n'a pas frappé une seule pièce en or).

- cette évolution fort lente, et le caractère tardif des pièces en métaux précieux montre que, au-delà de la bonne idée du franc et du système décimal, la révolution avait bien du mal à mettre en circulation les pièces qu'elle avait crées. Autrement dit, l'Etat était fauché, comme le prouve encore mieux la sombre histoire des assignats.

- outre la coexistence des unités anciennes (liards, sous, livres, pistoles etc.) et modernes, outre la coexistence des pièces anciennes et modernes, il y a aussi la coexistence de la base 10 (le future système décimal), et des bases différentes : base 3 avec les pièces de 3 et 6 livres, base 5 avec la force du sou (=5 centimes) et de l'écu (=5 francs). Base 20 avec la force de la pièce de 20 sous (1 franc = 20 sous) et de la pièce de 20 francs. Il fait bien voir que la révolution avait prétendument imposé le système décimal. Mais quand aurons-nous une pièce de 10 francs ? 1855 ! En fait de système décimal, on comptait en pièces de 5 francs et en pièces de 20 francs, mais pas en pièces de 10 ! D'ailleurs, la toute première pièce en centime de francs était une 3 centimes, preuve de la continuation de cette base 3. Mais elle a été remplacée par le 5 centimes et est de ce fait extrêmement rare.

Pour ceux qui ne sont pas habitués au principe des bases : quand on dit que 100, c'est 10 x10, on compte en base 10. Mais à l'époque, 100 francs, c'était 20 écus ou 5 louis (ou napoleons). Etonnant système décimal où on compte en multiples de 5 et de 20, mais pas de 10 !
La base 12 est d'usage courant quand on compte en douzaines : exemple les oeufs qui sont encore vendus à la douzaine ! Cf. aussi l'unité ancienne d'une grosse : 12 douzaines. On a vraiment l'équivalent de 100, mais appliqué à la base 12 : on multiplie la base par la base, 12 x 12 = 144.
Le fait qu'o dise en France quatre-vingt, et non huitante, est une étonnante subsistance de la base 20 : on compte en multiples de 20 au lieu de compte en multiples de 10 !

je pense que cette diversité des bases correspond aussi à des gens qui ne savaient pas bien compter, qui ne faisaient pas de calculs savants. Autant ils savaient compter au quotidien, autant ils ne faisaient pas d'opérations compliquées et ne manipulaient pas de grands chiffres. Pour les courses, et même pour gérer un ménage, on peut jongler en liards, en sous, en francs. On peut dire 6 écus au lieu de 30 francs. Mais on sait bien que pour les gros calculs, que ce soit en finance ou en science, la base 10 est infiniment plus pratique et s'est imposée progressivement. On ne peut vivre avec cette diversité de bases et d'unités de compte que si on ne vit au quotidien que sur des petits chiffres et des opérations très rudimentaires.
Je pense qu'à l'époque, les gens qui comptaient au-delà de 100, ou qui savaient multiplier et diviser, ne devaient pas être si nombreux. Cette coexistence d'unités, de pièces, et de bases, se comprend aussi par le fait que les gens comptaient juste mais simple, sur des petits montants, de la petite économie domestique. Ca nous surprendnous qui avons tous été à l'école ; mais à l'époque, un millier était peut-être aussi étrange, pour beaucoup de gens, que les Amériques ! Un truc dont on sait que ça existe mais dont on ne sert jamais.

- des expressions qui s'utilisent encore, ou s'utilisaient encore il y a peu, font toujours références à ces unités de compte qui sont pourtant obsolètes depuis plus de deux siècles : briller comme un sou neuf, ne pas valoir un sou, ne pas donner un liard de cela, 3 francs 6 sous, etc.

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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:22 
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20 schillings = 1 livre, je voulais dire.


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:53 
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Ludo33 a écrit:
Citer:
L’œuvre Les Misérables nous rappelle que l’homme doit constamment s’adapter aux évolutions monétaires et a souvent un temps de retard dû aux habitudes du passé. L’emploi d’appellations monétaires désuètes le prouve. Le roman reflète les difficultés d'adaptation au système décimal issu de la Révolution.


Les vieilles habitudes ont duré bien après Victor Hugo... Je peux témoigner que dans les années soixante j'ai encore entendu des clients appeler 20 sous et 100 sous leurs pièces de 1 et 5 francs en passant à la caisse du commerce de mes parents. Le dernier achat que j'ai fait où l'on m'a dit " cela fait tout juste cent sous ", c'était en 1975 ou 1976.

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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 22:56 
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Merci Be-Habba. J'en apprends des choses ;)

Sur le fait que la Révolution Française n'a pas frappé une seule pièce en or:

dès la chute de la monarchie, le nouveau pouvoir révolutionnaire s'est retrouvé avec des caisses..vides. Elles l'étaient déjà du temps de Louis XVI, remarque. Pour se financer, ils ont eu la fameuse idée des Assignats, qui ruina définitivement le pays, et qui dura de 1789 à 1796, date à laquelle le Directoire mit un terme à cette expérience catastrophique. Tout de suite après Bonaparte devint premier consul, l'or fut rétabli comme monnaie, et Napoléon pilla toute l'Europe pour s'en procurer.

Donc la Révolution ne frappa pas une seule pièce d'or.


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 23:08 
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louisdor a écrit:
Les vieilles habitudes ont duré bien après Victor Hugo... Je peux témoigner que dans les années soixante j'ai encore entendu des clients appeler 20 sous et 100 sous leurs pièces de 1 et 5 francs en passant à la caisse du commerce de mes parents. Le dernier achat que j'ai fait où l'on m'a dit " cela fait tout juste cent sous ", c'était en 1975 ou 1976.



Je dirais même mieux !
La piécette en alu Morlon ou francisque de 1 franc qui servit de centime à partir de 1960 était quelquefois appelée "pièce de 20 sous" encore à ce moment. C'était plus logique que pour la 1 F Semeuse du nouveau franc, puisque les sous d'antan étaient les vingtièmes de ce qui restait du franc germinal.

Pour le mot "balle" en synonyme de franc, on l'employait pour désigner l'ancien franc jusqu'au début des années 70 : "Tapassambal ?" pour demander 1 F ou : "mets vingt balles dans le flipper".
J'ai entendu "balle" pour franc lourd à partir de 1975.

Je tannerai mon père octogénaire quand je le verrai, pour lui demander de se rappeler des anecdotes de ce genre.


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 Sujet du message: Re: Les misérables et l'argent.
MessagePublié: 16 Juin 2011 23:21 
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Milogram a écrit:
Pour le mot "balle" en synonyme de franc, on l'employait pour désigner l'ancien franc jusqu'au début des années 70 : "Tapassambal ?" pour demander 1 F ou : "mets vingt balles dans le flipper".
J'ai entendu "balle" pour franc lourd à partir de 1975.


Oui, c'est amusant de voir que la "balle" est restée attachée plusieurs années à l'ancienne unité, et puis a généralement été rattachée à la nouvelle unité. "10 balles", ça voulait dire assez rapidement "10 (nouveaux) francs".

Par contre, le sac (1000 anciens francs) n'a jamais passé la conversion. De 1000 anciens francs, il valait donc 10 nouveaux... C'est la misère, 10 francs, surtout que la nouvelle acception des "10 balles" (= 10francs lourds) lui faisait concurrence, et du coup, on l'utilisait bien peu, me semble-t-il ? Fallait vraiment vouloir entretenir son argot pour s'exprimer volontairement en sacs, non ?

De même, la brique est restée attachée au million d'anciens francs. Du coup, une brique, dans les années 80 et 90, ça valait 10 000 nouveaux francs. La brique n'est pas devenue un million de nouveaux francs, mais par contre (contrairement au sac), on l'utilisait couramment. "Une bagnole de luxe à 10 briques", c'était une bagnole à 100 000 nouveaux francs. On héritait des briques, une maison coûtait des briques (logique ;) ).

balles, sacs, briques : quid en euros ? Qui fréquente des jeunes et/ou des personnes qui s'expriment en argot pour savoir ce qu'est devenu l'usage de ces mots avec le passage à l'euro ?

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