Super intéressant, merci.
Sur le sujet, le Franc VIII donne quelques infos. Il dit en substance que le franc reprend la livre, mais en la passant au système décimal : c'est à dire qu'au lieu d'avoir des pièces de 3 et 6 livres, on passe à 5 francs. Et on a des 5 centimes et des décimes au lieu d'avoir des sols.
Quelques autres remarques : - pendant tout le début de la révolution, il n'y a eu que les pièces en centimes (et même plutôt en décimes). Souvent frappées à partir du bronze des cloches démontées et fondues suite à la démolission des biens de l'église. Ensuite (tardivement), la pièce de 5 francs en argent, qui devient une forte référence, comme le prouve ce texte. Les pièces en or (20 francs d'abord) ne sont réapparues qu'avec Napoleon (premier consul, mon cul, c'était la fin de la révolution ; autrement dit la révolution n'a pas frappé une seule pièce en or).
- cette évolution fort lente, et le caractère tardif des pièces en métaux précieux montre que, au-delà de la bonne idée du franc et du système décimal, la révolution avait bien du mal à mettre en circulation les pièces qu'elle avait crées. Autrement dit, l'Etat était fauché, comme le prouve encore mieux la sombre histoire des assignats.
- outre la coexistence des unités anciennes (liards, sous, livres, pistoles etc.) et modernes, outre la coexistence des pièces anciennes et modernes, il y a aussi la coexistence de la base 10 (le future système décimal), et des bases différentes : base 3 avec les pièces de 3 et 6 livres, base 5 avec la force du sou (=5 centimes) et de l'écu (=5 francs). Base 20 avec la force de la pièce de 20 sous (1 franc = 20 sous) et de la pièce de 20 francs. Il fait bien voir que la révolution avait prétendument imposé le système décimal. Mais quand aurons-nous une pièce de 10 francs ? 1855 ! En fait de système décimal, on comptait en pièces de 5 francs et en pièces de 20 francs, mais pas en pièces de 10 ! D'ailleurs, la toute première pièce en centime de francs était une 3 centimes, preuve de la continuation de cette base 3. Mais elle a été remplacée par le 5 centimes et est de ce fait extrêmement rare.
Pour ceux qui ne sont pas habitués au principe des bases : quand on dit que 100, c'est 10 x10, on compte en base 10. Mais à l'époque, 100 francs, c'était 20 écus ou 5 louis (ou napoleons). Etonnant système décimal où on compte en multiples de 5 et de 20, mais pas de 10 ! La base 12 est d'usage courant quand on compte en douzaines : exemple les oeufs qui sont encore vendus à la douzaine ! Cf. aussi l'unité ancienne d'une grosse : 12 douzaines. On a vraiment l'équivalent de 100, mais appliqué à la base 12 : on multiplie la base par la base, 12 x 12 = 144. Le fait qu'o dise en France quatre-vingt, et non huitante, est une étonnante subsistance de la base 20 : on compte en multiples de 20 au lieu de compte en multiples de 10 !
je pense que cette diversité des bases correspond aussi à des gens qui ne savaient pas bien compter, qui ne faisaient pas de calculs savants. Autant ils savaient compter au quotidien, autant ils ne faisaient pas d'opérations compliquées et ne manipulaient pas de grands chiffres. Pour les courses, et même pour gérer un ménage, on peut jongler en liards, en sous, en francs. On peut dire 6 écus au lieu de 30 francs. Mais on sait bien que pour les gros calculs, que ce soit en finance ou en science, la base 10 est infiniment plus pratique et s'est imposée progressivement. On ne peut vivre avec cette diversité de bases et d'unités de compte que si on ne vit au quotidien que sur des petits chiffres et des opérations très rudimentaires. Je pense qu'à l'époque, les gens qui comptaient au-delà de 100, ou qui savaient multiplier et diviser, ne devaient pas être si nombreux. Cette coexistence d'unités, de pièces, et de bases, se comprend aussi par le fait que les gens comptaient juste mais simple, sur des petits montants, de la petite économie domestique. Ca nous surprendnous qui avons tous été à l'école ; mais à l'époque, un millier était peut-être aussi étrange, pour beaucoup de gens, que les Amériques ! Un truc dont on sait que ça existe mais dont on ne sert jamais.
- des expressions qui s'utilisent encore, ou s'utilisaient encore il y a peu, font toujours références à ces unités de compte qui sont pourtant obsolètes depuis plus de deux siècles : briller comme un sou neuf, ne pas valoir un sou, ne pas donner un liard de cela, 3 francs 6 sous, etc.
_________________ Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras
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